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pour achever de peindre sa chance, une belle-mère philosophe, qu’il a établie auprès de sa femme dans sa maison, et qui l’aide à maintenir l’équilibre de sa félicité. Il passe trois soirées par semaine chez sa maîtresse, et quelquefois le dimanche, qu’il ne compte pas ; trois soirées de même, et quelquefois le dimanche, au foyer conjugal, où il trouve un repos dont il jouit délicieusement. Sa femme, ayant connaissance de sa liaison, paraît bien un peu mélancolique et inquiète ; mais quoi ! elle est toujours aux petits soins pour lui. Au demeurant, la belle-mère, femme d’expérience et qui se plaît chez son gendre, veille à ce que ce chagrin ne soit pas gênant et n’aille jamais jusqu’à produire d’éclat. Ce soir, cependant, — un soir consacré à la famille, — une visite surprend M. Lamblin : sa maîtresse ! .. Elle s’explique en déclarant une soudaine envie d’aller avec lui au théâtre. Il la tance vertement : il lui reproche de n’avoir pas compris son caractère, qui est celui d’un homme d’ordre, ni son affection pour sa femme, la seule personne qui lui soit entièrement dévouée. La maîtresse part furieuse ; l’épouse, qui l’a vue sortir, revient irritée, menace de quitter la maison. Pauvre Lamblin ! Il se désespère, un moment, resté seul entre les deux moitiés de son bonheur. Mais soudain reparaît la belle-mère : elle a déjà calmé sa fille ; bien plus, craignant une rupture autant qu’une séparation (Lamblin, à défaut de cette maîtresse, en pourrait trouver une pire), elle a rejoint la personne qui s’en allait, et lui a dit quelques bonnes paroles. Entre sa belle-mère et sa femme, Lamblin, rasséréné, continue le cours d’une édifiante soirée.

Il ne faut guère plus de cinq minutes pour représenter Au mois de mai et Entre frères, deux scènes réunies sous ce titre commun : les Quarts d’heure. La première n’est qu’un duo sans musique, romance alternativement soupirée par un jeune homme du monde, une jeune fille du monde, fiancés. Le jeune homme, phtisique au dernier degré, exhale sa tendresse en crachant ses poumons ; la jeune fille réplique en parlant toilette, bijoux, avantages consentis par Contrat de mariage au survivant des deux époux. — L’autre bluette est presque une pantomime. Personnages, une marquise douairière et ses trois fils : le marquis, le comte, le vicomte. (Pour une fois qu’on est dans le faubourg Saint-Germain ! .. ) La marquise est à l’agonie : « Mes enfans, dit-elle entre deux râles,.. j’ai trompé votre père… Un de vous n’est pas son fils… Et c’est… c’est… » Une syncope… Les fils, croyant que leur mère est morte, récapitulent rapidement toute sa vie : lequel d’entre eux, selon les probabilités, est un intrus ? Le second se dénonce et dit ses taisons. Assentiment de l’aîné, qui reçoit froidement ses adieux, sans que le cadet proteste. Mais, tout à coup, la mère rouvre les yeux et la bouche : « C’est le marquis ! »

Redescendons. « Chez les filles ! » à présent, — comme dit la