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matières résiduelles des grandes villes. Ce sont les agens de la fameuse entreprise de l’utilisation agricole des eaux d’égout.

Tous ces fermens sont des microbes bienfaisans, et ce sont eux, il faut bien le savoir, qui constituent la grande majorité des microbes, la presque totalité de ce milieu animé dans lequel nous vivons. En effet, parmi les quatre à cinq cents microbes que renferme, année moyenne, un mètre cube d’air pris au parc de Montsouris, et même parmi les quatre à cinq mille microbes d’un mètre cube de l’atmosphère d’une rue fréquentée de Paris ; même encore parmi les dix à vingt mille microbes d’une chambre d’appartement habité ou d’une salle d’hôpital, il est extrêmement rare de trouver un de ces microbes dangereux qui sont les agens des maladies contagieuses. Il en est de même des quelques centaines de microbes que renferme l’eau pure des sources ; mais, malheureusement, on n’en pourrait dire autant de l’eau de Seine, qui charrie, avec une fréquence relative, les microbes de la suppuration, de l’érysipèle, et surtout de la fièvre typhoïde, et sans doute bien d’autres microbes malfaisans que nous ne connaissons pas encore. Mais ces eaux, grâce au régime déplorable du tout à la Seine, que l’on pratique par un usage prématuré du tout à l’égout, décrété avant qu’on ait assuré la dérivation totale des eaux d’égout en vue de leur épuration agricole, ces eaux, souillées et contaminées, ne contiennent pas moins de douze à quatorze millions de microbes par litre. Là encore, cependant, comme dans la terre’ végétale, où ils sont bien plus nombreux, la gronde masse est presque uniquement constituée par des microbes bienfaisans ou tout au moins indifférens, s’il en est toutefois auxquels on puisse appliquer ce qualificatif, en attendant que leur rôle soit exactement déterminé.

Et maintenant nous pensons avoir suffisamment montré qu’il y a partout des microbes, et que l’œuvre de ces infiniment petits est vraiment gigantesque, à ne considérer que le phénomène de la circulation de la matière, qui leur est dû. L’homme, qui suit utiliser toutes les forces de la nature, a déjà su faire travailler à son profit quelques espèces de microbes qu’il a véritablement domestiquées, et qu’il a chargées d’un rôle industriel certainement considérable ; M. Pasteur a enseigné le moyen de dompter les plus redoutables et de les faire combattre contre leurs frères insoumis ; et à sa suite toute une légion, de savans s’est précipitée à cette grande lutte, qui ne doit pas avoir de fin. Ce que nous avons dit des microbes malfaisans suffira sans doute à prouver ce que nous avancions en commençant, qu’il faut compter aujourd’hui avec les microbes et qu’on ne saurait se refuser à y croire, pas plus qu’on ne peut se refuser à croire à l’électricité… ou à la lumière.


JUBES HÉRICOURT.