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contraire, par la fâcheuse prédisposition de quelques autres à ne pas manquer une occasion d’attraper une maladie, suivant la juste image du langage vulgaire. Or des particularités infinitésimales de la constitution des humeurs de l’organisme peuvent suffire à expliquer ces prédispositions et ces immunités. Le mystère des immunités acquises est presque dévoilé ; celui des immunités naturelles, dont l’étude appartient à la chimie biologique, n’est assurément pas plus indéchiffrable ; et quelque jour viendra sans doute où la cause pour laquelle on résiste au microbe de la tuberculose ou de la diphtérie se résoudra par une formule chimique. Ce qu’il ne faut d’ailleurs pas oublier, dans cette lutte entreprise contre les microbes au sein de l’organisme, c’est que celui-ci n’est pas un vase passif, une culture inerte ; c’est qu’il se défend avec une grande énergie, qu’il est fréquemment capable de triompher, et qu’il n’a le plus souvent besoin, pour sortir victorieux de la lutte, que d’un faible secours lui arrivant sous la forme d’agens qui accroissent ses forces ou qui diminuent celles de ses ennemis.

Mais si la science des microbes a renouvelé l’art de traiter les maladies, elle a rendu à l’humanité un service bien plus grand encore en nous enseignant l’art de les prévenir, car à ses côtés s’est immédiatement élevée une autre science, l’hygiène, qui lui doit l’existence. Existant à peine de nom il y a une vingtaine d’années, considérée comme peu sérieuse, et volontiers abandonnée aux amateurs, l’hygiène a pris rapidement une importance de premier ordre, et est en voie de dicter ses prescriptions à toutes les institutions sociales. Elle préside à l’édification des cités comme à l’aménagement des habitations privées, elle règle les habitudes des agglomérations administratives, elle s’immisce même dans les rapports des peuples entre eux ; et sa légitime autorité, chaque jour mieux reconnue, lui vient de ce que lui a appris la science de M. Pasteur, à savoir que les grands dangers qui menacent l’homme dans sa maison, dans les villes, dans les ateliers comme dans les régimens, dans son contact avec les hommes venant de pays lointains, que ces grands dangers lui viennent des microbes. Par d’habiles ordonnances qui prescrivent une logique distribution des agens divers qui détruisent ou affaiblissent les microbes dangereux là où la bactériologie en a décelé la présence, par l’emploi judicieusement réglementé de la lumière, de l’air, de la chaleur ou du feu, l’hygiène sait tarir sur place la source des contagions et des épidémies. Malheureusement, au point de vue de l’hygiène, les vieilles et grandes cités traînent un boulet qui les empêchera encore longtemps de marcher avec la rapidité désirable dans la voie aplanie que leur trace la science : ce boulet, c’est leur vieille