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causes plus ou moins connues. Aussi tous les habitans des grandes agglomérations urbaines sont-ils condamnés à avoir cette maladie qui, fort heureusement, présente les deux caractères suivans : elle ne récidive pas, ou du moins ses récidives sont très exceptionnelles ; et elle est le plus souvent fort bénigne, au point de ne pouvoir toujours être reconnue et d’être prise parfois pour une de ces légères indispositions, mal déterminées, que les médecins nomment volontiers des embarras gastriques. Mais cette forme atténuée elle-même, qui est habituelle chez les citadins acclimatés, et surtout chez les jeunes enfans, confère l’immunité contre une seconde atteinte. Il y avait même, dans ce fait de l’immunité acquise par une forme légère de la maladie, un grand encouragement à chercher une vaccination contre la fièvre typhoïde. Contre la tuberculose, qui est le plus souvent une maladie locale et chronique, qui détruit progressivement des organes indispensables à la vie, il y a peu d’espoir de trouver un procédé de vaccination : au moins tous les essais ont-ils échoué jusqu’à ce jour. Contre le choléra, l’application à l’homme de la méthode de M. Gamaleïa rencontrera sans doute de graves difficultés de ce fait, que cette maladie récidive ou du moins que son atteinte ne paraît conférer qu’une immunité passagère qui ne persiste même pas toujours pendant toute la durée d’une épidémie, peut-être parce que son microbe se développe aux portes de l’organisme sans le pénétrer et ne peut, par suite, être sensible à l’influence des modifications survenues dans l’intimité de cet organisme. Mais contre la fièvre typhoïde, maladie aiguë dont les symptômes, comme ceux du choléra des poules, paraissent dus en partie à l’action de produits toxiques élaborés par les microbes, maladie qui ne récidive pas et qui affecte souvent des formes atténuées à tous les degrés, qui confèrent néanmoins l’immunité, il est absolument légitime de songer à la possibilité d’une vaccination. Peut-être même sommes-nous à la veille de cette heureuse découverte. Le microbe de la fièvre typhoïde, aperçu dans les organes des typhiques depuis sept ou huit ans, par plusieurs auteurs, a été, en 1886, isolé et cultivé par un bactériologiste allemand, M. Gaffky, et les inoculations aux animaux, qui constituaient la dernière preuve à fournir du rôle véritablement typhogène de ce microbe, ont surtout bien réussi, chez nous, entre les mains de MM. Chantemesse et Widal. De plus, comme nous l’avons déjà dit, ces derniers expérimentateurs ont réussi à conférer à des souris l’immunité contre les microbes vivans, en leur inoculant une petite quantité d’un bouillon de culture stérilisé par la chaleur. Ces premiers essais sont extrêmement encourageans, et ce ne serait sans doute pas se compromettre beaucoup qu’annoncer la prochaine découverte d’un procédé de vaccination contre la fièvre