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pulmonaires par l’inhalation de poussières ainsi souillées, n’était-ce pas là un renseignement d’une importance capitale ? Certes, alors même que la thérapeutique de la maladie ne dût rien gagner de la découverte de son microbe, la notion seule de son origine était bien suffisante pour en prévenir d’innombrables atteintes, sans parler de la connaissance de la contagion directe entre parens, entre époux, et de la transmission héréditaire, autres faits sur lesquels toute personne peut méditer à un moment donné, pour en éviter la réalisation plus ou moins fatale, avec son cortège de maux et de douleurs.

Toutefois, la découverte du microbe de la tuberculose n’a pas eu le retentissement qu’elle méritait, car les maladies au milieu desquelles nous vivons, quelque grand que soit le tribut qu’elles prélèvent, n’ont pas le privilège de frapper notre imagination comme les maladies d’origine exotique, dont les incursions sur notre sol se font à des intervalles plus ou moins éloignés, et qui répandent partout la terreur. A celles-ci est réservé spécialement le mot lugubre d’épidémie. Et cependant, le plus souvent, les ravages causés par les grandes épidémies sont loin d’être aussi considérables que ceux qu’exercent couramment des maladies telles que la tuberculose ou la fièvre typhoïde, au milieu desquelles nous vivons sans en prendre grand souci. Il faut reconnaître toutefois que cette crainte des épidémies exotiques n’est peut-être pas aussi mal fondée qu’on pourrait le croire. En effet, vivant au milieu de nos épidémies indigènes, nous avons sans doute raison de croire que nous en sommes préservés par quelque bénéfice de notre constitution, ou par celui d’une atteinte légère antérieure, qui constitue une véritable vaccination naturelle ; tandis que nous nous trouvons brusquement privés de ce palladium en face d’un mal nouveau, dont les premiers coups, frappés brusquement comme au hasard, ne nous paraissent respecter aucune des immunités sur lesquelles nous sommes habitués à faire fonds.

De fait, ni l’instruction de plus en plus largement répandue, ni la pénétration dans les milieux éclairés de notions scientifiques et surtout médicales assez précises, ne paraissent avoir la moindre influence sur la vivacité des paniques qui éclatent au début des grandes épidémies. Nous l’avons encore vu récemment pour la dernière épidémie de choléra, qui nous a fait assister à de véritables scènes dignes du moyen âge. Aussi, le bruit fait dans le monde autour des recherches entreprises sur le terrible microbe indien fut-il grand, et M. Koch est bien plus connu pour l’avoir trouvé que pour avoir trouvé celui de la tuberculose. Ces deux découvertes, cependant, sont de valeur bien inégale ; et sans parler des obstacles à vaincre, qui ne furent pas comparables dans les deux