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Il s’agit d’abord des expériences que fit M. Charrin avec les cultures d’un microbe découvert par M. Gessard, microbe qui donne à la suppuration une coloration bleue, bien connue des chirurgiens. Ce microbe est très dangereux pour les lapins, et les tue rapidement. Or M. Charrin montra qu’en injectant préalablement aux lapins de fortes doses du bouillon de culture de ce microbe pyocyanique, stérilisé par la chaleur, on retarde considérablement leur mort lorsqu’on leur inocule ensuite une culture vivante du même microbe. Puis vinrent les expériences faites par MM. Chamberland et Roux avec le vibrion septique, microbe trouvé par MM. Pasteur, Joubert et Chamberland, dans la terre et dans l’intestin des bestiaux et des chevaux, et que MM. Koch et Gaffky, en Allemagne, ont démontré être le facteur de certaines gangrènes rapides, caractérisées par la formation de gaz fétides. MM. Chamberland et Roux avaient observé que les cultures de vibrion septique, lorsqu’elles sont achevées et stérilisées par la chaleur, ne sont plus aptes, si on les ensemence de nouveau, à nourrir une nouvelle génération de microbes ; de même que, si l’on ajoute à du bouillon neuf une certaine quantité de l’extrait du bouillon d’une culture terminée, le liquide mixte ainsi préparé se montre très peu favorable à la végétation du vibrion. Ces particularités constituaient déjà une démonstration, très acceptable, de ce fait que ce sont bien les produits élaborés par le microbe qui s’opposent à son développement ultérieur. Mais les expérimentateurs ont apporté à cette théorie une preuve irrécusable en opérant, non plus in vitro, mais bien sur les animaux. Ayant injecté à un cobaye une forte dose d’une culture achevée de vibrion septique chauffée à 110 degrés pendant dix minutes, c’est-à-dire absolument privée de tout organisme vivant, ils ont constaté que ce cobaye, après avoir présenté quelques troubles fugaces rappelant la maladie causée par le vibrion vivant, avait acquis l’immunité contre la septicémie, qui est cependant pour lui une maladie terrible, et à laquelle il succombe dans un temps si court qu’il semblait que toute préservation fût hors de portée.

Ainsi, non-seulement ces expériences prouvaient la possibilité de vacciner contre les maladies infectieuses par un nouveau procédé, par l’action des produits solubles élaborés par les microbes dans leurs milieux de culture, mais encore elles faisaient la lumière sur la nature intime, sinon de toutes, au moins d’un certain nombre de vaccinations, et prouvaient décidément ce qui n’avait été qu’entrevu jusqu’alors, à savoir qu’on peut rendre des animaux réfractaires à certaines maladies virulentes sans recourir à l’inoculation d’aucun virus vivant. Cette méthode semblait, d’ailleurs, devoir être féconde, car à peine était-elle connue, que MM. Chantemesse et Widal parvenaient à rendre des souris réfractaires au microbe de la fièvre