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explique, d’autre part, les phénomènes de la contagion et de l’épidémicité des maladies infectieuses, puisqu’il suffit de la transmission directe, ou de son transport à distance par l’air, par l’eau de boisson, ou par un objet quelconque, d’un de ces microbes, issu d’un organisme malade, et de sa pénétration dans un organisme sain par une voie d’absorption quelconque, pulmonaire, cutanée ou intestinale, pour que ce microbe détermine dans ce nouveau milieu la maladie dont il est le facteur.

Telle est la doctrine microbienne, sous sa forme la plus succincte, avec quelques restrictions concernant l’état de réceptivité des organismes pour les microbes, c’est-à-dire l’influence des terrains de culture, sur laquelle nous reviendrons. Mais avant de parler des travaux qui l’ont ainsi établie sur des bases absolument solides, il est indispensable de rappeler les découvertes qui ont éclairci les phénomènes mystérieux des fermentations : d’abord, parce que les maladies peuvent être, à bien des points de vue, comparées à des fermentations, et que le mécanisme de celles-ci aide singulièrement à la compréhension de celles-là ; ensuite, parce que les fermentations sont également dues à des microbes, et que leur étude rentre tout à fait dans notre sujet. Et, à ce propos, c’est une citation qu’on ne manque jamais de faire, que de rapporter cette prophétie géniale de Robert Boyle, le physicien anglais du XVIIe siècle, qui écrivait que « celui qui pourra sonder jusqu’au fond la nature des fermens et de la fermentation sera, sans doute, beaucoup plus capable qu’un autre de donner une juste explication de divers phénomènes morbides (aussi bien des fièvres que d’autres affections), phénomènes qui ne seront peut-être jamais bien compris sans une connaissance approfondie de la théorie des fermentations. »

M. Pasteur s’est-il inspiré de cette pensée de Boyle ? Toujours est-il qu’il a su scruter jusqu’au fond la nature des fermentations, et que leur étude l’a conduit, — tout simplement, serait-on tenté de dire, tant les grandes conceptions ont en général pour principal caractère d’être simples, — à la connaissance de la nature et du mécanisme des maladies infectieuses et de leur contagiosité.


II

Ces curieux phénomènes de la fermentation, aussi anciens que le monde, avaient été observés bien souvent avec attention depuis que les premiers hommes avaient manié le jus écrasé des fruits ; la fabrication du vin, celle de la bière, postérieure à celle du vin, et connue cependant des Égyptiens et des Gaulois, celle du pain, qu’on voit apparaître au temps de Moïse, témoignent d’une