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fièvre typhoïde, les pneumonies, les abcès, les furoncles, et même des maladies chroniques, comme la tuberculose, — sont causées par la pénétration dans l’organisme d’êtres vivans qui y trouvent un milieu favorable à leur multiplication, et y déterminent des troubles mécaniques et surtout chimiques analogues aux phénomènes des fermentations, lesquels se traduisent au dehors par ce qu’on nomme les symptômes des maladies. Ces êtres sont extrêmement petits, puisque leurs dimensions se mesurent par millièmes ou dixièmes de millième de millimètre : ce sont les microbes. Quelquefois, mais rarement, de nature animale, comme dans le cas des fièvres des marais, qui paraissent dues à des parasites animaux des globules du sang, ils sont presque toujours fournis par les formes les plus simples du règne végétal, sortes de champignons élémentaires que l’on groupe en une grande famille sous le nom de schizomycètes, à cause de leur mode de reproduction par scissiparité, ou sous celui de bactéries, plus généralement employé.

Les bactéries peuvent elles-mêmes se diviser en microcoques et en bacilles, mobiles ou non mobiles, d’après les deux formes, en points ou en bâtonnets, sous lesquelles on les rencontre le plus souvent, avec quelques variétés d’autant moins importantes que ces formes ne sont pas immuables, et sont parfois susceptibles de se transformer l’une dans l’autre. Elles ont une organisation extrêmement simple, au moins pour nos moyens actuels d’investigation, et c’est à peine si l’on peut, dans certains cas, y distinguer une enveloppe et un contenu d’apparence homogène.

Les microbes se reproduisent avec une vitesse prodigieuse. M. Pasteur a suivi une fois, sous le microscope, le développement d’un globule de levure de bière portant un bourgeon qu’il a vu sous ses yeux arriver à la grosseur de globule mère. A partir de ce moment, les deux globules se sont mis à proliférer et, malgré la température qui n’était pas favorable, ils étaient arrivés, en deux heures, à être au nombre de huit. Cela ferait, en vingt-quatre heures, 16 millions d’individus provenant d’un seul. En vingt-quatre heures également, on peut obtenir, avec des microcoques, des cultures qu’on peut regarder comme au moins aussi riches en microbes que le sang l’est en globules : or un millimètre cube de sang contient de 4 à 5 millions de globules rouges, ce qui donne, pour un ballon contenant 100 grammes de bouillon de culture, qu’on peut supposer avoir été ensemencé avec un millimètre cube d’un liquide de culture semblable, le nombre de cinq mille milliards de microorganismes produits en un jour.

On comprend dès lors comment de tels êtres, dont la multiplication rapide compense l’exiguïté de la taille, peuvent entrer en lutte avec les êtres les plus volumineux. Cette multiplication