l’association célèbre, la Sainte-Hermandad, qui finit par être odieuse et ridicule, mais qui, dans les premiers temps de son existence, rendit des services précieux ; en Flandre, en Italie, les sociétés de métiers ou autres avaient souvent le même objet : procurer de la sécurité, soit à leurs membres, soit au public. Ces combinaisons des âges primitifs ou troublés laissent encore certaines traces : en Angleterre et aux États-Unis, les constables spéciaux, dans le Far-West américain surtout, les lyncheurs, sont les héritiers intermittens de toutes ces associations libres faites en vue de la sécurité. Ainsi, même ce premier besoin, tout à fait élémentaire, qui nous paraît aujourd’hui ne pouvoir être satisfait que par l’intervention directe et ininterrompue de l’état, l’a pu être autrefois, par des procédés moins commodes, dans une mesure moins complète, par l’action des particuliers ou des sociétés libres. L’insécurité est pour une société une cause de lenteur dans son développement ; elle ne la fait pas nécessairement rétrograder. L’oppression seule amène inévitablement le recul. Si les pachas turcs et le personnel qu’ils commandent se contentaient de protéger médiocrement les vies et les biens, si, du moins, ils n’étaient pas assujettis à des changemens fréquens et qu’ils pussent mettre quelque régularité dans leurs exactions, la Turquie ne dépérirait pas. Le dépérissement est dû à l’action, non-seulement brutale, mais épuisante, d’oppresseurs instables. La simple insécurité aurait des effets moins graves. Il ne faut certes pas en conclure que, dans les sociétés modernes, le premier devoir de l’état ne doive pas être de garantir la sécurité ; mais il est utile d’indiquer que, dans le cours de l’histoire, la plasticité de la société a pu, pour la satisfaction relative de ce besoin primordial, suppléer l’inertie de l’état par des organisations spéciales qu’elle créait spontanément. il est bon aussi d’ajouter que, même dans le temps présent, pour un très grand nombre de transactions, un léger degré d’insécurité vaut encore mieux qu’un excès de réglementation.
Ce qui a investi définitivement l’état, d’une manière constante et exclusive, de ce service de la sécurité, c’est le principe de la division du travail. L’économie politique a singulièrement éclairé toute l’histoire humaine et même l’histoire naturelle, quand elle a donné tant de relief, sous la plume d’Adam Smith, au principe de la division du travail. C’est ce grand principe économique qui a constitué successivement la plupart des fonctions de l’état. Une foule de tâches, que la société souple et libre ne serait pas incapable de remplir par elle-même, qu’elle a même remplies pendant des siècles, sont échues graduellement à l’état, parce qu’il peut s’en acquitter mieux, plus économiquement, plus complètement, avec moins de frais et d’efforts. Ainsi, telle ou telle fonction spéciale et définitive s’est constituée avec netteté, s’est détachée de la société pour échoir