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de richesse ou de bien-être, de moralité et d’intellectualité que les modernes appellent le progrès. C’est ici qu’on court le risque d’étranges exagérations. Nous parlons d’une contribution, d’un concours, d’une aide, nullement d’une direction, d’une impulsion, d’une absorption. L’état qui joue un rôle principal, quand il s’agit de la défense de la société contre l’étranger ou du maintien de la paix entre les citoyens, ne joue plus qu’un rôle accessoire lorsqu’il s’agit de l’amélioration des conditions sociales. Mais, si accessoire qu’il soit, ce rôle reste important, et très peu de gouvernemens savent convenablement s’en acquitter.

L’état concret, tel que nous le voyons fonctionner dans tous les pays, est un organisme qui se manifeste par deux caractères essentiels, qu’il possède toujours et qu’il est seul à posséder : le pouvoir d’imposer par voie de contrainte à tous les habitans d’un territoire l’observation d’injonctions connues sous le nom de lois ou de règlemens administratifs ; le pouvoir, en outre, de lever, également par voie de contrainte, sur les habitans du territoire, des sommes dont il a la libre disposition. L’organisme de l’état est donc essentiellement coercitif : la contrainte se manifeste sous deux formes, les lois et les impôts. Le pouvoir législatif ou réglementaire et le pouvoir fiscal, l’un et l’autre accompagnés de contrainte, soit effective, soit éventuelle, c’est là ce qui distingue l’état. Que l’organisme qui possède ces pouvoirs soit central ou qu’il soit local, c’est toujours l’état. Les autorités provinciales, les autorités municipales, détenant, par délégation ou par transmission lointaine, le pouvoir réglementaire et le pouvoir fiscal, sont tout aussi bien l’état que l’organisme central. L’état se manifeste, chez la généralité des peuples civilisés, sous la forme d’une trinité : les autorités nationales, les autorités provinciales et les autorités municipales. Aussi, en étudiant le rôle et la mission de l’état, doit-on tout aussi bien parler des provinces et des municipalités que du gouvernement national. Les abus aujourd’hui sont peut-être encore plus crians de la part de la manifestation la plus humble de l’état, la commune, que de la part de la manifestation supérieure, le gouvernement. Quelle est la légitime et l’utile sphère d’action des pouvoirs publics de toute nature, c’est-à-dire de ceux qui ont la contrainte à leur service ; c’est ce que nous cherchons à discerner. Si l’on ne peut répondre à cette question par une formule absolument générale et simple, il est possible, en étudiant les divers services sociaux dans leur développement historique et dans leur situation présente, d’indiquer quelques-unes des limites que l’état, sous ses trois formes, doit respecter.

Les auteurs s’épuisent à indiquer a priori les fonctions essentielles et les fonctions facultatives de l’état. La plupart de ces classifications sont arbitraires. Il est impossible d’arriver