Vesta, elles doivent y rester trente ans. Ce temps écoulé, elles sont libres et peuvent se marier. « La belle religion, dit saint Ambroise, où l’on ordonne aux jeunes filles d’être chastes et où l’on permet aux vieilles femmes d’être impudiques ! » Sans compter qu’on ne se fie guère à leur vertu, puisqu’on éprouve le besoin de les épouvanter de menaces terribles pour les maintenir dans le devoir : elles doivent être chastes, sous peine d’être enterrées vives. Saint Ambroise pense que « ce n’est pas tout à fait être honnête que de l’être par crainte. » Enfin, si l’on punit sévèrement les coupables, on comble de distinctions et de faveurs celles qui se conduisent bien. Dans leur palais du forum, elles mènent une existence somptueuse ; on les promène dans Rome sur des chars magnifiques ; elles ne paraissent en public que couvertes de robes de pourpre et de bandelettes d’or. Tout le monde se lève en leur présence pour leur faire honneur ; elles ont partout, même au théâtre et au cirque, des places réservées et les meilleures. À ces prêtresses de Vesta, si riches, si honorées, saint Ambroise oppose les vierges chrétiennes. Celles-là s’engagent pour la vie, et elles gardent fidèlement leur vœu, quoiqu’elles soient libres de le violer ; elles ne sont pas sept seulement, comme les vestales ; elles remplissent les villes, elles peuplent les solitudes. Elles n’ont pas besoin, pour se consacrer à Dieu, qu’on leur prodigue la fortune et les privilèges ; au contraire, ce sont les misères et les privations qui les attirent. Elles portent la robe de bure, elles se nourrissent plus mal que les esclaves, elles remplissent les emplois les plus vils. A côté de ces quelques femmes de grande famille, vertueuses par peur ou par ambition, et qui sont l’aristocratie de la virginité, les autres forment ce que saint Ambroise appelle « la populace de la pudeur, videte plebem pudoris ! »
On pense bien qu’ayant cette opinion des vestales, saint Ambroise ne peut pas supposer que le ciel se soit mis en peine de les venger. Aussi refuse-t-il de croire que la famine de l’année précédente ait été infligée à l’empire pour le punir des décrets de Gratien ; et sa grande raison, c’est qu’elle n’a pas duré, et qu’à une année stérile vient de succéder une année bénie. Jamais les récoltes n’ont été plus belles. Et pourtant les décrets sont toujours en vigueur ; les prêtres continuent à ne pas recevoir de salaire ; les biens des temples ne leur ont pas été rendus, et le sénat demande toujours l’autel de la victoire ! Si l’on prétend que la disette était un indice de la colère des dieux, il faut bien reconnaître que l’abondance qui l’a suivie montre qu’ils se sont apaisés et ne réclament plus aucune satisfaction.
Jusqu’ici, saint Ambroise n’a guère employé que les argumens des apologistes ordinaires. Ces plaisanteries tantôt légères, tantôt