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décembre 1700, qui mentionnent formellement les droits du duc d’Anjou à la couronne de France, soient rayées des registres du parlement de Paris. On n’a pu s’entendre, à Londres, sur ces points délicats, et Bolingbroke, impatient d’aplanir les dernières difficultés qui retardent la pacification de l’Europe, est venu, lui-même, sur le continent pour en conférer directement avec Torcy, au besoin avec Louis XIV. Elles sont vaincues, en quelques jours, par le commun désir de mettre un terme, dans l’intérêt des deux nations, « aux horreurs de la guerre. » Logé d’abord à Paris, chez la mère du secrétaire d’état aux affaires étrangères, reçu ensuite à Fontainebleau[1], où le roi lui a fait préparer un somptueux appartement, Bolingbroke, éloquent et persuasif, parlant le français presque aussi bien que sa langue maternelle, a séduit tout le monde, à la cour, par les grâces naturelles de sa personne et le charme entraînant de ses discours. Louis XIV s’est départi, en sa faveur, de sa solennité habituelle ; il lui donne audience, dans la matinée du 21, au sortir de la messe, et lui témoigne une affabilité, une bonhomie qui étonnent les courtisans, comme s’il avait résolu d’achever et d’assurer sa conquête. « Le vicomte de Bolingbroke, disent les mémoires de Torcy, s’acquitta de la commission dont la reine, sa maîtresse, l’avait chargé avec autant de grâce que de noblesse et de respect en même temps pour la personne du roi…

« Le roi, qui joignait à ses rares qualités celle de s’exprimer mieux que prince au monde, lui répondit en termes choisis, non recherchés, mais persuasifs… Sa Majesté assura Bolingbroke qu’Elle tiendrait exactement tout ce qu’Elle avait promis, et que le succès de ses armes n’apporterait aucun changement aux conditions dont elle s’était contentée. »

Le soir même, la convention qui stipule l’armistice général est signée. « Bolingbroke partit peu de jours après, — ajoutent les Mémoires, — plein de zèle et de courage pour achever l’œuvre commencée. »

Il laissait en France, sur la demande expresse du roi, son ami, le poète Prior, en qualité de ministre plénipotentiaire, et il emportait pour la reine, sa maîtresse, une lettre de Louis XIV ainsi conçue : « Madame ma sœur, je n’ai jamais douté de la sincérité de vos intentions pour avancer la paix, mais vous avez confirmé la juste opinion que j’en avais en envoyant auprès de moi le vicomte de Bolingbroke, votre secrétaire d’état. Vous ne pouviez choisir un ministre plus capable d’abréger et d’aplanir les difficultés de la négociation. Je suis persuadé que vous serez aussi contente de ce qu’il a fait que j’ai été satisfait, moi-même, de sa conduite, et principalement des assurances qu’il m’a données de vos

  1. Le 20 août 1712.