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constitutionnelles s’étaient, au mois de mars, irrésistiblement imposées aux princes ; aucun d’eux, si ce n’est l’électeur de Hesse et le roi de Hanovre, ne songeait à les reprendre. Ils étaient autorisés aujourd’hui par l’insurrection, qui avait éclaté au siège même du pouvoir central, à recourir à des moyens répressifs pour se défendre contre la propagande des idées républicaines ouvertement prêchées dans la presse, dans les clubs et jusque dans les casernes. Ils se rapprochèrent du parlement, dont ils condamnaient les tendances, pour combattre l’ennemi commun : la révolution. Le gouvernement de l’archiduc Jean, dont l’autorité s’était relevée, après les sanglans avertissemens de l’émeute, prit en main la défense de l’ordre ; il déclara la guerre à tous ceux qui, par leurs écrits ou à main armée, troublaient la sécurité publique. Il réprima les écarts de la presse et sévit contre les réunions démocratiques. L’hostilité entre le particularisme et l’église Saint-Paul disparut momentanément. Les souverains étaient heureux de se servir de l’ascendant moral du parlement pour se défendre et consolider leurs couronnes.

L’électeur ne fut pas le dernier à sévir ; mais ses sujets étaient émancipés, il dut renoncer au passe-temps de les tracasser. Pour lui, en attendant l’expiation finale, les beaux jours du bon plaisir étaient passés.

Toutefois, si l’ordre matériel était rétabli dans les rues, sur tous les points de la confédération, l’ordre moral ne l’était pas dans les esprits. L’anarchie politique régnait en maîtresse à Berlin. Le roi, à chaque instant, changeait de systèmes et de ministères ; il passait des constitutionnels aux féodaux. La chambre prussienne se signalait par ses violences particularistes ; elle prenait le caractère d’un contre-parlement opposé à celui de Francfort, et cela au moment même où, au nom de la souveraineté nationale, on discutait à l’église Saint-Paul la constitution du futur empire. Frédéric-Guillaume, à cet instant décisif, au lieu de prendre résolument en main la direction des événemens, s’enfermait à Potsdam et y subissait l’influence des théoriciens de l’absolutisme.

La situation en Autriche était encore plus bouleversée. Aux luttes politiques s’ajoutaient les luttes nationales ; aux guerres des partis, les guerres de races. Plusieurs révolutions s’étaient succédé à vienne, depuis la fuite de M. de Metternich. Au mois d’octobre, l’insurrection victorieuse avait proclamé la république ; le ministre de la guerre, le général de La Tour, avait été égorgé, et son cadavre mutilé pendu à une lanterne. Dans sa détresse, le gouvernement avait dû dégarnir la capitale, et diriger toutes ses forces sur l’Italie et la Hongrie. S’il avait dépendu des Hongrois, la monarchie des Habsbourg eût été démembrée ; ils pactisaient avec les révolutionnaires qui pillaient et saccageaient Vienne ; mais ils eurent à