Page:Revue des Deux Mondes - 1888 - tome 88.djvu/821

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

exerça une influence salutaire, décisive, sur les discussions orageuses que la question du pouvoir exécutif soulevait au sein de l’assemblée. Quel devait être le rôle du parlement, quelle était l’étendue de son action, quels seraient ses rapports avec les gouvernemens, et surtout comment serait constituée l’autorité centrale ? Tels étaient les graves problèmes qu’on s’efforçait de résoudre. Le nombre des orateurs inscrits était effrayant ; plus de cent discours allaient être prononcés. La droite demandait la nomination du pouvoir exécutif par les gouvernemens, laissant un veto à l’assemblée nationale. Le centre accordait le veto aux gouvernemens, mais réservait l’élection au parlement. La gauche, en communauté de sentimens avec le comité des cinquante, refusait aux gouvernemens toute participation. La lutte était, en réalité, comme je le disais, engagée entre le principe monarchique et le principe républicain. On procéda à l’élection sans l’accord des souverains, à la fois constitutionnellement et révolutionnairement. Ni république ni monarchie, telle était la prétention des politiques de l’église Saint-Paul.

Le choix de l’assemblée tomba sur l’archiduc Jean ; c’était un prince populaire ; tout le désignait : il représentait les vieilles traditions et les idées modernes, le saint-empire et les principes démocratiques. Il était le fils et le frère des deux derniers empereurs d’Allemagne, Léopold II et François II, et, frappé de disgrâce pour son libéralisme, il vivait éloigné de la cour de Vienne, suspect à M. de Metternich. Son mariage romanesque avec la fille d’un maître de poste, sa popularité dans le Tyrol, où il n’était connu que sous le nom du bon petit Jean, — der gute Hansel, — ses correspondances patriotiques avec l’historien Jean de Muller, en 1804 et en 1806, et le toast que déjà, en 1846, il avait porté à l’unité allemande, en faisaient l’homme nécessaire, sinon providentiel, celui qui répondait à toutes les exigences. Heureux les peuples qui, dans les heures de détresse, au lieu d’un empirique, trouvent un vrai patriote pour les relever de l’anarchie !

Le 1er juillet, une députation se rendit à Vienne pour porter à l’archiduc les félicitations de l’assemblée. Six jours après, le vicaire de l’empire faisait son entrée à Francfort, acclamé par une foule en délire. Il dut passer, simple et modeste, en petite tenue militaire, sous des arcs de triomphe, et boire le vin d’honneur dans la coupe qui avait été présentée à son père et à son frère, lors de leur couronnement. Son entrée au parlement provoqua des manifestations sans fin. Ce fut son sacre.

La diète avait vécu ! Le parlement avait décrété que ses pouvoirs expireraient le jour même de l’élection du vicaire de l’empire. L’archiduc Jean eut à cœur de présider en personne à ses