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Plus le temps avait marché, plus la tentation était devenue grande. « J’ai pour le moment une garnison assez solide, écrivait Montagnac, le 21 août, à l’un de ses parens, un bon bataillon de chasseurs d’Orléans et deux escadrons de hussards ; mais c’est bien peu de monde pour la besogne que je puis avoir à faire d’un jour à l’autre, demain peut-être. » Depuis la date de cette lettre, un des deux escadrons avait été rappelé par le général Cavaignac à Tlemcen.

Le dimanche 21 septembre, à dix heures du soir, le lieutenant-colonel de Montagnac sortit avec le commandant Froment-Coste, 9 officiers et cinq compagnies du 8e bataillon de chasseurs, d’un effectif de 346 hommes, le chef d’escadrons Courby de Cognord, 3 officiers et 62 hussards du 2e régiment, un interprète et 2 soldats du train : en tout 425 hommes. Un petit convoi d’une quinzaine de mulets portait les bagages. Les hommes avaient reçu des vivres pour deux jours, sans compter les sachets de réserve, et soixante cartouches ; il n’y avait pas d’autres munitions. La garde du camp restait confiée au capitaine du génie Coffyn, qui avait l’ordre de se tenir prêt à favoriser le retour de la colonne. L’objet de la sortie était d’empêcher la jonction d’Abd-el-Kader avec l’agha Ben-Ali des Ghossel, réfugié chez les Trara, de tenir les Msirda en respect et de protéger les Souhalia.

La colonne marcha toute la nuit dans la direction de l’ouest. Le 22, à quatre heures du matin, elle s’arrêta pour faire le café ; puis elle se remit en chemin par un à gauche vers le sud. A sept heures, le bivouac fut établi sur le bord de l’Oued-Taouli ; les hommes reçurent l’ordre de se reposer pendant la chaleur du jour, puis de faire la soupe ; on ne devait reprendre la marche que le soir, à onze heures.

Dans cette même journée du 22, à neuf heures du matin, le capitaine Coffyn avait vu arriver à Djemma-Ghazaouat le capitaine de Jonquières, adjudant-major au 10e bataillon de chasseurs à pied, escorté d’une centaine de chasseurs d’Afrique et d’une centaine de fantassins éclopés. Djemma-Ghazaouat était pour la subdivision de Tlemcen un dépôt de convalescens, une sorte de sanatorium. Le capitaine de Jonquières apportait une lettre du lieutenant-colonel de Barral, commandant de Lalla-Maghnia et l’ancien de Montagnac, dans laquelle il demandait à celui-ci, par ordre du général Cavaignac, l’envoi immédiat de 300 chasseurs du 8e bataillon, ainsi que des hommes rétablis du 10e bataillon et du 15e léger.

Par un effet de la malchance qu’on retrouve dans toutes les péripéties de ce drame, le courrier du général avait eu quatorze heures de retard ; s’il était arrivé en temps utile, Montagnac, obligé d’obéir