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ist das fur eine Weib, » et ce qu’elle était venue faire chez sa mère, n’ayant pas encore été admise à la cour.

Le comte de Béarn, retenu par une indisposition, n’assistait pas à la soirée. Dès qu’il eut connaissance de l’incident, il écrivit de sa bonne encre au baron de Steuber, le ministre des affaires étrangères : — « Je ne puis demander une satisfaction personnelle à l’électeur, disait-il, mais c’est de vous, son ministre responsable, que je la réclame. »

Le ministre n’admettait pas que sa responsabilité pût aller jusqu’à régler en champ clos les brutalités de son maître. Son émotion, légitime d’ailleurs, le rendit éloquent ; il parvint à faire comprendre à l’électeur l’urgence d’une réparation. Le lendemain, son altesse royale faisait arrêter sa voiture devant la légation de France pour prendre des nouvelles de Mme la comtesse de Béarn. — Cet acte d’énergie, loin de nuire au diplomate, le mit en faveur, si bien qu’à l’expiration de sa mission, il fut l’objet d’une haute distinction refusée à ses prédécesseurs : il reçut le grand-cordon du Lion d’or.

La diplomatie française sous le gouvernement de Juillet eut plus d’une fois à se défendre contre de fâcheux procédés ; elle s’en tira toujours avec esprit. On connaît le mot déplaisant de la princesse de Metternich et la spirituelle réplique du marquis de Saint-Aulaire. Le baron de Bussière ne fut pas moins bien inspiré à une petite cour de Saxe. — « Quel triste métier que celui de roi de France ! je ne voudrais l’être à aucun prix, disait le prince saxon, dédaigneusement, au lendemain d’un attentat contre Louis-Philippe. — Je n’en suis pas surpris, répliquait l’envoyé, car pour être le souverain d’un grand et glorieux pays, il faut bien des qualités et surtout un cœur valeureux. »


III

Les résidences allemandes, avant de descendre au rang de préfecture, étaient animées ou silencieuses, moroses ou joyeuses, suivant l’humeur et le bon plaisir de leurs princes. L’électeur, pendant les hivers de 1846 et de 1847, fut de belle humeur, et lorsqu’il était content, ce qui ne lui arrivait guère, il entendait, comme le pacha du vaudeville, que tout le monde le fût aussi. Ses filles, celles qui étaient nées à Bonn, faisaient leur entrée dans le monde ; avides de plaisirs, elles avaient réussi à l’apprivoiser. L’aînée était petite, rondelette, insignifiante : elle tenait de sa mère ; la seconde avait de la race, elle était svelte, élégante ; elle rappelait d’une façon saisissante une princesse d’Angleterre entrée dans la maison