pas légal. Que fait la cour, dans son jugement ? Elle évite avec une prudente réserve de se prononcer sur le fond du différend, et sans justifier ni condamner aucun des deux pouvoirs en cause, elle se contente d’examiner le fait même, les circonstances matérielles et positives qui l’accompagnent. C’est uniquement sur des considérations de fait que la sentence s’appuie pour décider que, les formes requises n’ayant pas été observées, l’acte de la législature ne présente pas dans l’espèce les caractères distinctifs de l’impeachment, d’où il suit que George Read reste le gouverneur légal de l’état.
Pour faire invalider une loi portant atteinte à son droit de propriété, un plaignant met en suspicion l’intégrité des législateurs, et prétend prouver que le vote parlementaire est vicié par des manœuvres corruptrices. Loin de s’engager sur ce terrain, la cour écarte aussitôt l’objection. « Elle ne peut pas s’ingérer dans la question de savoir si l’on a usé de corruption, » dit le chief justice Marshall. Ce serait, en effet, un jugement politique ; là commencerait l’usurpation véritable, la censure du pouvoir législatif par le pouvoir judiciaire. La loi fut déclarée inconstitutionnelle, mais pour des raisons juridiques seulement, parce qu’il y avait eu révocation de contrat, et partant violation des principes formulés par le pacte fondamental.
De même, dans l’affaire des biens ecclésiastiques résumée plus haut, la cour suprême ne recherche pas s’il appartient ou non aux assemblées de réglementer l’église. « Quels que puissent être ou n’être pas, en matière religieuse, les pouvoirs de la législature, celle-ci a autorisé l’église à posséder. » C’est ce dernier fait seulement que le jugement retiendra pour donner à l’acte incriminé le caractère d’une spoliation contraire au droit constitutionnel.
Si, par l’observation scrupuleuse de ces nuances délicates, les juges américains évitent d’ordinaire de se mettre en opposition directe avec les divers détenteurs de la puissance publique, ceux-ci, de leur côté, s’inclinent en temps normal devant les arrêts judiciaires, au moins pour ce qui concerne les faits de la cause, toute question d’interprétation ultérieure étant réservée. Souvent même, la jurisprudence établie par les tribunaux est adoptée sans résistance par les autres pouvoirs. N’a-t-on pas vu Washington aller jusqu’à demander, inutilement d’ailleurs, une consultation extrajudiciaire à la cour suprême ? Plus tard, le président Taylor, au moment d’entrer en fonctions, prenait par avance l’engagement solennel « de s’en rapporter, pour interpréter la constitution, aux sentences prononcées par la magistrature nationale. » Buchanan tenait un langage à peu près semblable. Quant au président Johnson, lors de sa querelle avec le congrès, il ne cessa de manifester l’intention de faire régler le différend par la cour suprême.