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Le roi avait un cohen parmi ses hauts fonctionnaires, comme, plus anciennement encore, les gens riches avaient un lévi à leur service ; mais c’était là une charge de cour, non un titre hiérarchique, ni un pontificat supposant sous lui un clergé organisé. Sadok fut le premier cohen du temple. Sa postérité est censée l’avoir desservi jusqu’à l’an 167 avant Jésus-Christ. Même après cette date, l’aristocratie sacerdotale continua de s’appeler sadokite, et de là vint ce nom de « sadducéen, » qui joua un si grand rôle dans les luttes du christianisme naissant.

Un temple crée toujours un culte compliqué et des services nombreux. Il était écrit que le sanctuaire fondé par Salomon serait un grand centre liturgique. Salomon fut la cause éloignée du cérémonial pompeux qui ne se montre que cinq cents ans plus tard, lors de la reconstruction du temple après la captivité. Tout ce qui se rapporte au costume des prêtres, lequel se bornait d’abord au simple éfod de lin, ces surcharges de lourds ornemens, pour la plupart imités du vestiaire sacré de l’Egypte, sont des innovations des grands liturgistes du VIe siècle. La musique sacrée était, dans l’ancien temple, peu développée. Les détails sur les brigades de chanteurs que Salomon aurait organisées dans le temple, ces célébrités musicales d’Asaph, d’Éthan, de Héman, sont des rêves du chroniqueur ecclésiastique de Jérusalem, transportant au temple de Salomon ce qui ne fut vrai que du second temple. La musique était, au temps de Salomon, l’accompagnement obligé de la vie des palais. Il était naturel qu’on lui donnât une place, comme aux parfums, dans le palais de Iahvé. Mais il en est peu question dans les textes anciens. C’est seulement dans les processions qu’on trouve des joueurs d’instrumens et des jeunes filles tambourinaires (toféfoth) ; or, justement, dans la musique du temple, il n’y eut jamais de toféfoth.

Que devint l’urim et tummim dans toutes ces transformations ? On peut le supposer gisant au fond de l’arche. Ce qu’il y a de sûr, c’est que, depuis la construction du temple, on ne le consulta plus. Apres la captivité, on le vit reparaître dans le pectoral du grand-prêtre ; mais, du temps des rois, l’éclat du prophétisme réduisit tout à fait l’odieux tourniquet au silence. Le temple fut le premier acte de la destruction successive des scories superstitieuses du vieil Israël.

L’étonnante précocité de l’esprit hébreu a souvent fait apparaître chez les Israélites certains phénomènes intellectuels et moraux avant qu’ils ne fussent mûrs chez les autres peuples. Il n’est pas déplacé, à propos de Salomon, de parler de raison et de tolérance. Le fanatisme, du moins, fut tout à fait absent du caractère de ce roi. On ne trouve sous son règne aucun de ces massacres nationaux, vrais