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On en fit des balustrades pour le temple et le palais royal, des cinnors et des nébels pour les musiciens. Passé ce temps-là, on ne vit plus de bois de santal à Jérusalem.

Que donnaient les marchands, sémites à Ophir, en, échange de ces métaux précieux et de ces autres produits, dont la valeur vénale pouvait n’être pas fort élevée ? C’est ce qu’on ne nous dit pas. Les portions de l’Inde que visitait la flottille pouvaient n’être pas, à cette époque, plus organisées que n’était. l’Amérique à l’époque de l’arrivée des Espagnols. L’or et les autres produits pouvaient être pris violemment aux indigènes. Cela est d’autant plus supposable que ces expéditions ne furent peut-être pas bien des fois répétées.

En même temps, que Salomon se créait une marine, il se créait une cavalerie et des équipes de chars de guerre. Il eut de plus un grand nombre de chevaux de selle et des chars de luxe pour son usage personnel. En ce qui concerne les chars da guerre, il n’avait qu’à imiter les Chananéens des plaines, et les Philistins. Quant aux chevaux de selle et aux chars de luxe, c’est d’Égypte qu’on les tirait. Le cheval arabe, à ce qu’il semble, ou du moins l’équitation à la façon arabe, n’existaient pas encore. Alors, comme de nos jours, le centre de l’Arabie gardait jalousement ses chevaux. Les bêtes usuelles des tribus arabes voisines de la Palestine, Ismaélites, Amalécites, Benir-Quédem, étaient l’âne et le chameau.

Une grande partie de la cavalerie israélite résidait auprès du roi, à Jérusalem. Salomon établit, cependant, en divers endroits, des postes ou quartiers de cavalerie. Nous trouvons mentionnés, du côté du sud de la Palestine, un Betmerrabot, ou remise de chars, et un Haçar-sousim (sorte de haras), Il y avait un service de courtiers qui allaient prendre les chevaux en, Égypte et les menaient en Judée. Un cheval rendu ainsi en Judée revenait à 150 sicles (environ 490 francs). Un équipage attelé coûtait le quadruple. Ces courtiers, qui payaient sans doute un impôt au roi, fournissaient également de chevaux les rois khétas et araméens.

Ces modes nouvelles excitaient naturellement une vive antipathie chez les conservateurs de l’ancien esprit agricole ou nomade, opposés au luxe et au développement de la richesse. Ces sublimes arriérés blâmaient surtout la cavalerie et les chars, qui blessaient leurs habitudes patriarcales et leur paraissaient une injure à Iahvé. Certes, il faudrait se garder d’attribuer à ces temps reculés le piétisme exalté du VIIIe et du VIIe siècle. Personne n’osait affirmer encore que le vrai serviteur de Iahvé n’a aucun besoin de ces secours extérieurs, qui inspirent à l’homme une confiance exagérée en ses forces et le détournent de rapporter toute gloire à Dieu. Mais le germe de pareils sentimens existait déjà. Les prophètes se taisaient, mais ils murmuraient. Ces progrès dans l’ordre profane