ser croire qu’ils en sont encore à redouter un conflit ; et ici encore c’est M. Gladstone qui a le beau rôle. Le vieux leader du libéralisme s’est fait un devoir de combattre les terreurs chimériques de ses compatriotes, de dissiper cette fantasmagorie des craintes d’une invasion. Il n’a point hésité à rendre témoignage en faveur de la France, à plaider avec toute son éloquence la cause de l’alliance, de l’amitié des deux nations, et si le ministère a eu la victoire du scrutin, M. Gladstone a eu le succès moral.
Une lutte toujours animée, souvent pleine de péripéties, se prépare aux États-Unis : c’est la lutte pour l’élection présidentielle, qui va se faire dans quelques mois. M. Cleveland, qui est depuis près de quatre ans à la Maison-Blanche, sera-t-il réélu ? Sera-t-il, au contraire, remplacé dans la première magistrature de la république américaine ? En d’autres termes, les démocrates, qui, depuis la guerre de la sécession, ont réussi, il y a quatre ans, à faire triompher leur candidat, auront-ils une seconde victoire, ou bien devront-ils céder la place aux républicains qui ont eu si longtemps le pouvoir ? C’est la grande affaire du moment aux États-Unis, c’est la question qui passionne les esprits, qui a été récemment agitée dans les conventions préliminaires de Chicago et de Saint-Louis, où les deux partis ont choisi leurs candidats. Le candidat des démocrates, réunis à Saint-Louis, est M. Cleveland ; le candidat des républicains, qui avait d’abord paru devoir être M. Blaine, l’ancien secrétaire d’état, est en définitive le général Benjamin Harrison, homme modeste et obscur, neveu du président Harrison d’autrefois, L’un et l’autre ont déjà publié leurs manifestes. M. Cleveland a pour lui l’avantage d’avoir exercé depuis quatre ans sans grand éclat, mais honorablement et utilement, sa magistrature. Élu d’un parti longtemps vaincu, il n’a porté au pouvoir que le zèle d’un esprit éclairé et impartial. Son manifeste récent a cela de caractéristique qu’il est un chaleureux plaidoyer pour la liberté commerciale. En apparence, M. Cleveland se borne à réclamer l’abolition des droits de douane, pour alléger le trésor des excédens qui sont devenus un embarras ; en réalité, il met dans son programme la liberté complète du commerce, et c’est là sûrement ce qui donnerait à sa réélection une singulière portée pour l’avenir. La lettre de candidature de M. Harrison est assez insignifiante ; mais elle a été précédée de la publication d’un long et violent manifeste qui a été délibéré à Chicago, où les républicains ont exposé leurs griefs et leurs vœux. Les républicains, qui sont très protectionnistes, accusent avec véhémence leurs adversaires et même le président, M. Cleveland, de toute sorte de méfaits, en s’efforçant de réveiller contre eux les passions de la guerre civile. Malheureusement, ils ont laissé de leur long règne de tristes souvenirs qui ne sont pas encore effacés. C’est maintenant entre les deux partis, entre les deux candidats, M. Cleveland et M. Harrison, que la lutte va se poursuivre