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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 juillet.

Jamais peut-être il n’y eut plus de discours, plus de banquets à fracas, plus d’inaugurations de statues ou de monumens, plus d’ostentation bruyante, plus d’infatuation, et jamais, il faut l’avouer, il n’y eut, sous de telles apparences, une réalité plus pauvre, une politique plus décousue, plus malfaisante ou plus stérile.

Voici un nouveau 14 Juillet, et M. Floquet, qui pour la première fois préside comme ministre à la fête, entend, on le conçoit, la célébrer à sa façon. M. Floquet fait tout sérieusement, avec la pleine conviction de son importance ! Il n’a pas voulu donner trop complètement raison à une vieille lubie du conseil municipal de Paris, en convoquant les trente-six mille maires des communes de France, pour donner au monde une représentation nouvelle de la fédération ; mais il a fait, selon sa coutume, une demi-concession, en invitant tous les maires d’arrondissement et de canton à des agapes radicales, au Champ de Mars. Là-dessus, le conseil municipal, revenant à sa vieille idée, tient à faire sa partie dans la manifestation et à jouer son rôle en recevant à son tour en plein Hôtel de ville les maires de canton, qui se figureront, s’ils veulent, qu’ils ont devant eux le vrai Paris. Ce sera complet ! On pérorera pendant ces deux ou trois jours ; on se complimentera mutuellement ; et on célébrera ensemble les grands anniversaires. On promènera les hôtes du jour, les maires provinciaux, du banquet du Champ de Mars à la réception de l’Hôtel de ville. On leur montrera la figuration de l’ancienne Bastille, la revue de Longchamp, le monument de M. Gambetta, les illuminations, le feu d’artifice de la tour Eiffel ; puis, on les renverra dans leurs provinces, tout éblouis du prestige du conseil municipal, de M. Floquet et de M. Ferrouillat, garde des sceaux, protecteur des maires dans l’embarras. C’est, à ce qu’il paraît, le moment de s’amuser aux parades, aux manifestations, aux vaines apothéoses de parti : on s’amuse ! Et, pendant ce temps, que se