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dernières découvertes, telles que les îles Canaries, et paraît avoir des connaissances cosmographiques assez étendues. Sa sagacité, dirigée par les anciennes observations d’Hérodote et de Pomponius Mela, lui fait remarquer les coquilles fossiles que l’on ramasse dans les montagnes, et qu’il trouve sur les collines mêmes de Certaldo. Il en tire des conséquences géologiques fort justes.

Le Dictionnaire géographique, composé, dit-il, à ses momens perdus, est comme l’annexe de son vaste traité de la Généalogie des dieux, auquel il travailla pendant près de trente années de sa vie, y faisant sans cesse des additions, et ne se lassant jamais de le remettre sur le métier. Ce livre est le résumé de toutes ses études et de toute l’érudition de son temps. Il fut le premier à entreprendre une étude approfondie de la mythologie, à coordonner les renseignemens innombrables et contradictoires des auteurs, à mettre quelque jour dans un chaos où tous ses prédécesseurs s’étaient perdus. Il avait abordé ce travail colossal à son retour de Naples, et avant sans doute de connaître Pétrarque, à la prière d’un prince français, Hugues de Lusignan, roi de Chypre.

Dans ce traité, si longuement élaboré, Boccace n’arrive pas partout à des résultats nets et sûrs. On s’y attend bien. Pourtant il a une vue personnelle et souvent juste de l’antiquité. L’érudition, le désir d’être informé n’était pas d’ailleurs le seul but qu’il poursuivit. Il cherchait encore dans la mythologie un enseignement et un ornement pour la pensée. Son but est littéraire et moral. Il est persuadé d’ailleurs que la mythologie n’est qu’un tissu d’allégories, inventées par les poètes pour voiler leur pensée, et d’où les hommes, par leur ignorance, ont tiré les fausses croyances du polythéisme. « Il faut être fou, dit-il, pour ne point voir dans Virgile un sens caché. » Aussi il cherche des interprétations à tout, prêt à dire avec Pétrarque « qu’il ne faut jamais craindre de donner une interprétation, quand bien même le poète dont on s’occupe n’y aurait jamais pensé. » Même quand il s’y perd, il est toujours curieux de le voir démêler ce qui lui paraît dans chaque mythe réalité et fiction. Pour lui, Jupiter est un roi puissant qui régna en Thessalie. Prométhée, jeune prince studieux, céda volontairement le trône à-son frère cadet, et se retira dans le Caucase pour y étudier l’astrologie, qu’il enseigna ensuite aux Assyriens. La fable, au contraire, de l’enlèvement d’Orythie par Borée est une allégorie, pour signifier le vent qui enlève les brumes du haut des sommets montagneux. Cette tendance d’esprit n’est-elle pas le contraire de la crédulité ? N’est-ce point déjà le besoin de réalité sensible qui anima les artistes comme les savans de la renaissance ?

Boccace ne connaissait d’auteurs grecs que ceux qui avaient été