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simple amputation, soit, comme cela est arrivé en effet, par voie d’interprétation. Toutefois, un des principes de la société était la neutralité en matière de secte, et la liberté de l’effort personnel vers la science et la vertu.

Le premier noyau se développa et forma un tronc auquel devaient se rattacher plusieurs branches, de même que chaque membre se rattacherait à sa branche particulière. Aujourd’hui, le centre de la société est dans l’Inde, à Madras, dans le faubourg d’Adyar. Là, la société a fait construire un beau bâtiment terminé en 1886. On y trouve une bibliothèque spéciale pour les études relatives aux religions et à la théosophie, un vaste portique pour les réunions, une annexe pour les portraits des sages, bienfaiteurs de l’humanité. A l’ouverture de l’établissement, des félicitations sont arrivées de toutes parts, même en sanscrit, en pâli, en zend, de la part de prêtres et de pandits. La bibliothèque s’accroît par des cadeaux. Bientôt la société publiera dans diverses langues des manuels populaires d’art, de science, de philosophie, de religion, à la manière des sociétés protestantes. A la fin de 1885, elle avait déjà fait vingt et une publications ; elle en avait fait vingt-huit à la fin de 1886. Nous citerons entre autres le Cathéchisme bouddhique, rédigé par son président actuel, M. Olcott, et l’ancien drame métaphysique sanscrit, le Lever de lune de l’intelligence, avec une traduction en allemand.

La société n’a ni argent ni patrons ; elle agit avec ses seules ressources éventuelles. Elle n’a rien de mondain. Elle n’a aucun esprit de secte. Elle ne flatte aucun intérêt. Elle s’est donné un idéal moral très élevé, combat le vice et l’égoïsme. Elle tend à l’unification des religions, qu’elle considère comme identiques dans leur origine philosophique ; mais elle reconnaît la suprématie de la vérité. Le Lotus, revue mensuelle qu’elle publie à Paris, a pris pour épigraphe la devise sanscrite des maharajas de Bénarès : « Sattyât nâsti parô dharmah, il n’y a pas de religion plus élevée que la vérité. »

Avec ces principes et au temps où nous sommes, la société ne pouvait guère s’imposer de plus mauvaises conditions d’existence. Cependant elle a progressé avec une étonnante rapidité. En 1876, elle n’avait qu’une seule branche ou centre secondaire ; elle en eut deux jusqu’en 1879 et onze l’année suivante. En 1881, elle prit son essor, compta vingt-sept centres, cinquante et un l’année d’après, cent quatre en 1884, cent vingt et un en 1885 et cent trente-quatre en 1886 ; elle en a aujourd’hui cent cinquante-huit. La branche parisienne ne date que de l’année dernière. Des cent trente-quatre centres de 1886, qui sont comme autant de succursales,