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eu un sort pareil ; et que les Séleucides avaient hellénisé plus de Sémites qu’ils n’avaient sémitisé d’Hellènes. Toute la force vitale du monde sémitique s’était concentrée dans le peuple juif ; c’est contre lui que les Romains dirigèrent leur principal effort. Comme nation indépendante, il finit par succomber ; comme race, il fut dispersé, mais non détruit. Quant à son idée religieuse, elle eut une destinée différente et moins simple.

En effet, quand on étudie sans opinion préconçue les livres hébreux, on constate l’absence de toute idée aryenne dans les écrits authentiques antérieurs à la Captivité. Les savans qui connaissent l’Orient sont d’accord sur ce point. Après la Captivité, on voit apparaître chez les Juifs des doctrines persanes, ainsi que des institutions calquées sur celles des mages. Telle est, par exemple, l’institution rabbinique. Quelque temps après s’introduisent des idées bouddhiques ; parmi elles on distingue celle du Messie, qui se présente sous deux formes : pour les purs Israélistes, le Messie sera un roi temporel, qui établira sur terre la domination du peuple juif ; pour les autres, c’est un ange envoyé de Dieu, qui doit venir comme roi idéal opérer le salut du genre humain. Cet ange s’incarnera, naîtra au milieu des humains et sera le béni des nations. Il attirera tous les hommes à sa loi, qui sera une loi de grâce ; son culte ne sera pas celui d’un peuple, mais celui de tous les peuples, et son église sera universelle. — On peut attribuer aussi à l’influence des doctrines indiennes la théorie de l’incarnation, absolument étrangère aux dogmes hébraïques et même à ceux de la Perse. J’ai rappelé ci-dessus comment s’opéra dans le sein de la vierge Mayâ l’incarnation du Bouddha. Cette théorie n’était pas nouvelle au temps de Çâkyamouni, puisque les nombreux avatâras de Vishnou étaient autant d’incarnations. Seulement le bouddhisme donna à cette idée une portée nouvelle en l’appliquant, non plus à des êtres imaginaires, mais à un homme, Siddhârta, fils de Çuddhôdana.

Dès le temps des premiers rois de Perse, les Juifs étaient disséminés dans l’Asie, on le voit par le livre d’Esther, qui, en quinze jours, fit tuer 70,000 de leurs adversaires dans tout l’empire de Darius. Les Juifs se tenaient surtout dans les villes, où ils trouvaient à exercer leurs talens commerciaux. C’est aussi dans les centres populeux que se discutaient les doctrines et que pouvait s’opérer la fusion des idées. Malgré cette prétendue « haine du genre humain » dont parle Tacite, on aurait tort de regarder le peuple juif comme fermé aux doctrines du dehors. Peu de nations, au contraire, en ont accepté un aussi grand nombre. Moïse et les Hébreux avaient beaucoup emprunté à l’Egypte. La captivité de Babylone fournit aux Juifs un autre élément pendant les soixante-dix années Qu’ils furent en contact avec les sectateurs de Zoroastre. Quand