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guerre ou la conclusion de la paix en dépendent, malgré l’obligation où je suis d’avoir égard au droit naturel et incontestable que nous avons, moi et mes descendans, à la succession des deux couronnes, considérant la malheureuse situation où la France se trouve et voulant faciliter la paix de l’Europe, achever une aussi sanglante guerre et faire voir ma reconnaissance à mes sujets, qui ont contribué, par leur fidélité et par tous les efforts qu’ils ont faits, à me maintenir sur le trône, enfin par la tendresse que j’ai pour vous, qui me ferait sacrifier encore plus, si cela était possible, pour votre bonheur et votre repos, je suis déterminé, au cas où l’on ne trouvera pas d’autre expédient pour conclure la paix, à renoncer à la succession de la couronne de France, en la manière dont vous le jugerez le plus à propos ; mais je prétends aussi qu’en considération d’un si grand sacrifice, l’Angleterre me fasse trouver à la paix de plus grands avantages que ceux qu’elle me veut donner, et je le prétends comme une chose qu’ils me doivent, puisque, faisant autant que je fais pour les assurer contre ce qu’ils craignent, il est bien juste qu’ils fassent de leur côté pour moi ce qu’ils auraient dû faire sans cela. »

Restituer tout d’abord Gibraltar à l’Espagne, obtenir ensuite que la paix négociée à Utrecht lui assurât la possession de la Sicile, des villes maritimes de la Toscane, du royaume de Naples, de la Sardaigne et des états de Milan, c’est en quoi consiste, d’après Philippe, l’obligation tacitement contractée par l’Angleterre envers l’Espagne.

Après avoir insisté avec énergie sur le ferme espoir qu’il a conçu de recevoir, des mains de l’Europe, ces légitimes indemnités, il termine ainsi sa longue épître :

« Je me flatte que vous reconnaîtrez, et toute la France avec vous, par le parti que je prends, que je contribue de mon côté à la paix plus que personne au monde ne pourrait se l’imaginer, et que je n’ai été, ni suis ni ne serai jamais cause des malheurs communs que nous avons essuyés dans cette guerre ou qui pourraient arriver. »

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« PHILIPPE. »


Le ton sévère, presque comminatoire, de la dépêche du 28 avril, que nous avons citée presque tout entière, devait causer au jeune roi d’Espagne un mécontentement d’autant plus vif que sa résolution avait été plus empressée et plus gracieuse. Au moment même où il annonçait à son aïeul le grand sacrifice qu’il venait de faire,