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difficile et qui exclut toute sorte de raisonnemens. Comme je compte sur la tendresse que vous avez pour moi et pour votre maison, je m’attends que vous suivrez le conseil qu’il faut nécessairement que je vous donne, et qui n’est point contraire à l’amitié véritable que j’ai pour vous[1]. » « J’espère, — écrit encore Louis XIV le 25 avril, — que vous me mettrez en état de faire une paix glorieuse en vous conservant la couronne que vous avez sur la tête, et qui a déjà coûté tant de sang et tant de peine[2]. »

Ne recevant pas de son petit-fils la réponse qu’il attend avec une anxieuse impatience, il accentue plus vigoureusement ses magistrales exhortations dans une longue dépêche, adressée, le 28, au marquis de Bonnac, et destinée à produire une impression décisive :

«… Il est nécessaire que mon petit-fils prenne son parti, ou de revenir dès à présent en France, s’il veut conserver ses droits, ou bien de les abandonner et de conserver le royaume d’Espagne pour lui et sa postérité… On a toujours cru, et je puis dire avec raison, que la paix serait glorieuse si je conservais au roi catholique l’Espagne et les Indes, et les temps ne sont pas encore bien éloignés où l’espérance d’obtenir de pareilles conditions semblait téméraire.

« Le sort des armes n’a pas changé depuis ; au contraire, les pertes se sont multipliées ; les moyens de soutenir la guerre non-seulement diminuent, mais s’épuisent entièrement ; l’Espagne ne me donne aucun secours…

« Toutefois, Dieu veut conserver la couronne d’Espagne avec les Indes au roi mon petit-fils, dans le temps où il y avait le moins d’espérance qu’elle pût demeurer sur sa tête. Il semble que cet effet de la volonté divine doive déterminer son choix… L’effet des droits que lui donne sa naissance est très incertain. Il peut arriver que ma succession ne le regarde jamais, ni lui ni ses enfans, et, quand même il serait combattu par l’espérance de la recueillir un jour, j’ai si bonne opinion de son cœur que je ne puis croire qu’il voulût, uniquement pour ses intérêts, m’obliger à sacrifier mon royaume pour la continuation d’une guerre que mes sujets ne sont plus en état de soutenir… S’il pensait autrement, je ne pourrais m’empêcher de regarder la résolution qu’il prendrait comme une marque d’ingratitude envers moi et envers ce même pays où il a reçu la naissance qui lui donne des droits sur ma succession…

« J’attends avec impatience les nouvelles de la résolution qu’il

  1. Archives des affaires étrangères.
  2. Archives des affaires étrangères.