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désormais comme étranger un prince que nous accordons aux demandes unanimes de la nation espagnole.

« A ces causes,.. de notre grâce spéciale, pleine puissance et autorité royale, nous avons dit, déclaré et ordonné,.. que notre très cher et très aimé petit-fils le roi d’Espagne conserve, toujours les droits de sa naissance de la même manière que s’il faisait sa résidence actuelle dans notre royaume ; qu’ainsi, notre cher et très aimé fils unique le dauphin étant le vrai et légitime successeur et héritier de notre couronne et de nos états, et après lui notre très cher et très aimé petit-fils le duc de Bourgogne, s’il arrive, ce qu’à Dieu ne plaise ! que notre dit petit-fils le duc de Bourgogne vienne à mourir sans enfant mâle, ou que ceux qu’il aurait… décèdent avant lui, ou bien que lesdits enfans mâles ne laissent après eux aucuns enfans mâles nés en légitime mariage, en ce cas, notre dit petit-fils le roi d’Espagne, usant des droits de sa naissance, soit le vrai et légitime successeur de notre couronne et de nos états, nonobstant qu’il fût alors absent et résidant hors de notre dit royaume ; et immédiatement après son décès, ses hoirs mâles, procréés en légal mariage, viendront à ladite succession, nonobstant qu’ils soient nés et qu’ils habitent hors de notre dit royaume. Voulant que, pour les causes susdites, ni notre petit-fils le roi d’Espagne, ni ses enfans mâles ne soient censés et réputés moins habiles et capables de venir à ladite succession, ni aux autres qui leur pourraient échoir dans notre dit royaume.

« Entendons, au contraire, que tous droits et autres choses généralement quelconques qui leur pourraient échoir et appartenir seront et demeureront conservées saines et entières, comme s’ils résidaient et habitaient continuellement dans notre royaume,.. et que leurs hoirs fussent originaires et régnicoles ; les ayant, pour cet effet, en tant que besoin est ou serait, habilités et dispensés, habilitons et dispensons par ces présentes.

« Si donnons en mandement à nos amés et féaux conseillers les gens tenant notre cour de parlement et chambre de nos comptes à Paris.

« Donné à Versailles, au mois de décembre l’an de grâce 1700, et de notre règne le 58e.

« Louis. »


Rien de plus précis, de plus décisif, que l’expression de cette volonté royale qui supprime et anéantit, par sa toute-puissance, sans hésitation comme sans scrupule, la clause sans laquelle l’Europe tout entière eût protesté contre le testament de Charles II.