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David crut, un peu précipitamment, à ces insinuations, et donna en toute propriété à Siba les biens de Meribaal.

Absalom entrait dans Jérusalem comme David contournait les derniers sommets du mont des Oliviers. Ahitofel l’accompagnait, et était en quelque sorte son ministre dirigeant. Le premier conseil qu’il donna au pauvre égaré fut de coucher avec les concubines que son père avait laissées pour garder le palais. La prise de possession du harem du souverain vaincu était la marque qu’on succédait à son pouvoir. On dressa donc une tente pour Absalom sur la plate-forme du palais, et le jeune fou coucha avec les concubines de son père, à la face de tout Israël. Ahitofel, en conseillant cet acte odieux, établissait une haine à mort entre le père et le fils, et fermait la porte à une réconciliation dont il eût payé les frais. Son second conseil, — et celui-ci était assez politique, — fut de poursuivre David sans délai. Housaï était présent au conseil ; il avertit Sadok et Abiathar de l’avis qui venait de prévaloir. Jonathan et Ahimaas étaient postés près de la fontaine du Foulon. Une servante alla les informer, et ils coururent apprendre l’état des choses à David. Celui-ci passa le Jourdain au plus vite avec toute sa troupe, et gagna Mahanaïm.

Absalom avait pris pour sar-saba son oncle Amasa, fils d’Abigaïl. Il passa le Jourdain peu après David. Le théâtre de la guerre fut ainsi le pays de Galaad. David, à Mahanaïm, était entouré de marques d’attention et de respect. Des provisions et même des délicatesses lui venaient de Lodebar, de Roglim et de Rabbath-Ammon. Un certain Barzillaï le Galaadite, surtout, homme très vieux et très sage, se fît remarquer par son empressement. Les petits jeunes prêtres, Ahimaas et Jonathan, allaient et venaient, espionnant, portant les nouvelles. Les prêtres s’abstenaient de verser le sang, mais ils avaient d’autres moyens de se rendre utiles.

David retrouva, dans ces circonstances difficiles, toute son habileté stratégique. Il divisa sa troupe en corps de mille et en corps décent hommes, donna le commandement d’un tiers à Joab, d’un autre tiers à Abisaï, d’un autre tiers à Ittaï le Gattite. Il voulut aller à la bataille ; on l’en empêcha. Il resta à la porte de la ville, avec des réserves qui devaient donner en cas de danger. Il recommanda, dit-on, de tout faire pour sauver fa vie d’Absalom.

Le combat se livra dans ce qu’on appelait laar-Ephraïm, « la forêt d’Ephraïm, » vaste espace boisé situé au nord-ouest de Mahanaïm. La victoire des généraux de David fut complète. La forêt fut fatale aux fuyards ; les rebelles s’embrouillèrent dans les massifs et furent massacrés. Absalom voulut s’engager avec sa mule dans un fourré de chênes ; il se prit dans les branches ; la mute s’échappa ; il fut tué.