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Le prophétisme, qui était arrivé par Samuel, à une si grande importance, se vit rejeté dans l’ombre sous David. Un pouvoir laïque exista. Aucun inspiré de Iahvé ne pouvait prétendre à rivaliser avec un favori de Iahvé tel qu’était David. Les prophètes Gad et Nathan eurent auprès du roi un rôle tout à fait secondaire, que plus tard les historiens de l’école prophétique cherchèrent à grossir. Gad, intitulé bizarrement le « voyant de David, » figure comme un officier de la cour. Ni Gad ni Nathan n’eurent dans la direction du règne aucune influence appréciable. C’est après l’abaissement du principe royal, dans une centaine d’années, que le principe prophétique se relèvera et prendra une influence directrice parfois prépondérante, jusqu’au jour où, par la disparition complète du pouvoir civil, il deviendra l’essence même et le tout de la nation.


VII

L’Orient sémitique n’a jamais su faire une dynastie durable, si l’on prend pour échelle de la durée nos uniques et merveilleuses maisons royales du moyen âge, et notamment la première de toutes, la maison capétienne, incarnant la France pendant huit ou neuf cents ans. En Orient, la décadence vient très vite. La floraison d’une dynastie ne compte guère que deux ou trois règnes. La dynastie de Méhémet-Ali, que le XIXe siècle a vu naître et mourir, nous donne à cet égard une mesure qui est rarement dépassée. Souvent même, le fondateur aperçoit à l’horizon les nuages noirs qui menacent son œuvre. La fin des grands conquérans asiatiques est presque toujours attristée.

David fit à cette loi de l’instabilité orientale une exception apparente. Ses descendans occupèrent le trône quatre siècles, sans solution de continuité démontrable. Mais il faut remarquer que l’œuvre de David était la fusion de Juda et d’Israël, qui ne dura que deux règnes ; en outre, l’avènement de Salamon fut irrégulier, comme nous le verrons. David lui-même, dans sa vieillesse, eut à l’intérieur de singulières difficultés à vaincre. Ceci surprend au premier coup d’œil, mais on n’en saurait douter. La fin du règne de David vit des défaillances que l’entrée en scène triomphante du jeune roi d’Hébron n’avait fait nullement présager.

La cause de cette faiblesse des dynasties orientales est toujours la même : c’est la mauvaise constitution de la famille, la polygamie. La polygamie, affaiblissant beaucoup les liens du père au fils, et introduisant dans le palais des rivalités terribles, rend absolument impossibles ces longues successions de mâle en mâle et d’aîné en aîné, qui ont fondé les nationalités européennes. À mesure que