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s’y livrer. Si David fit à Mikal la réponse que l’on dit, il eut certes mille fois raison. Par l’installation de l’arche à Jérusalem, il venait d’accomplir l’acte de politique le plus capital.


VI

À partir du jour où l’arche devint ainsi sa voisine et presque sa vassale, David fut essentiellement l’homme de Iahvé et d’Israël. Sa royauté prit un caractère religieux, que n’avait pas eu celle de Saül David fut l’élu de Iahvé par excellence ; sa fonction devint une lieutenance de Iahvé. L’idée de la royauté de droit divin était fondée. Tout fut permis au roi, qui donnait à Iahvé un établissement stable, à la porte de sa propre demeure. En retour de ce service, Iahvé allait lui accorder le privilège alors le plus désiré et le plus rare, celui de voir sa postérité s’asseoir sur son trône, par une sorte de dévolution incontestée.

Ce fut ici la grande consécration de David, ce fut aussi la consécration de la colline de Sion. Désormais, l’arche ne bougea plus. Il fut reçu que, entre tant de montagnes, bien plus désignées en apparence, c’était la petite colline de Sion qui avait été choisie par Iahvé, et pourquoi ? Justement parce qu’elle était petite et que Iahvé, étant très grand, très fort, aime les petits et les faibles, qui n’osent pas s’enorgueillir contre lui. Avoir l’arche à côté de soi, être le voisin de Iahvé et en quelque sorte son hôte, quelle incomparable faveur !

Dans les conceptions religieuses de presque tous les peuples sémitiques, une idée de haute faveur s’attachait au voisinage du temple ou de l’autel d’un dieu. Ces dieux antiques n’avaient qu’une sphère de puissance assez restreinte ; leur vue surtout était bornée, si bien qu’il fallait souvent se rappeler à eux. C’était ce qu’exprimait le mot ger, joint au nom de la divinité dans des noms comme Gérel, Géro, Géresmoun, Gérastorech, etc. par ce titre de ger, on devenait le protégé du dieu ; on demeurait à son ombre, dans la zone de sa protection. La divinité était souvent conçue comme ailée ; sous ses ailes, le mal ne pouvait vous atteindre. Le voisinage d’un dieu était, de la sorte, une chose fort recherchée. Combien plus devait l’être l’avantage de le tenir en quelque sorte à côté de soi, d’être maître de ses oracles ! L’imagination israélite travailla fort en ce sens.


Ô Iahvé ! qui peut être le ger de ta tente ?
Qui peut habiter sur ta montagne sainte ?


On ne répondait pas encore par la belle formule du Psaume XV : « Le vrai ger de Iahvé, c’est l’honnête homme ; » mais une grande