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rôle des fonctionnaires, l’organisation des revenus, la fidélité des serviteurs, le rôle des écritures, encore assez réduit, offriraient probablement à un observateur qui se placerait à ce point de vue de curieux rapprochemens.

Ce règne, à la fois flexible et fort, patriarcal et tyrannique, dura trente-trois ans. David garda sur le trône les qualités qui l’y avaient fait parvenir. Il ne paraît pas avoir jamais commis de crime inutile ; il n’était cruel que quand il avait un profit à tirer de sa cruauté. La vengeance, dans ce monde passionné, était considérée comme une sorte de devoir ; David s’en acquittait consciencieusement. Les fondateurs de dynasties nouvelles, quand ils se trouvent en présence de restes considérables d’anciennes dynasties, sont toujours amenés à être défians. Les transfuges des anciens partis qui viennent à eux excitent chez eux une suspicion bien légitime. Ils sont mieux placés que personne pour avoir la mesure des fidélités humaines. Pourquoi les convertis apporteraient-ils à leurs nouveaux engagemens plus de constance qu’ils n’en ont eu pour les premiers ?

La famille de Saül, quoique très riche encore, était assez abaissée pour que David pût sans danger se montrer généreux envers elle. Naturellement, cette générosité n’excluait pas bien des arrière-pensées. Dans ses premiers temps, David affecta beaucoup de bienveillance pour Meribaal, le fils boiteux de son ami Jonathas. Après la mort d’Esbaal, les biens de Meribaal, à Gibéa, avaient été usurpés par un de ses intendans, nommé Siba. Meribaal vivait indigent dans un petit endroit nommé Lodebar, au-delà du Jourdain, près de Mahanaïm. David lui fit rendre ses biens, le fixa à Jérusalem, voulut qu’il mangeât à sa table. Mais les ambitions implacables de l’Orient ne laissent qu’un sens bien affaibli à ce que nous appelons amitié, reconnaissance, générosité, voix du sang. Ni David, ni Meribaal ne se trompèrent sans doute un moment l’un l’autre. Meribaal, tout en faisant régulièrement sa cour à David, gardait de secrètes espérances. David couvait des yeux ce rival possible, et ne cherchait qu’un prétexte pour perdre le fils de son meilleur ami.

Les deux fils que Saül avait eus de sa concubine Rispa causaient à David encore plus de préoccupation. Il en était de même des cinq fils que Mérab, fille de Saül, avait eus de son mari Adriel. La façon dont David fut débarrassé de ces personnages dangereux nous est racontée par l’antique historien avec une grandiose candeur :

Du temps de David, il y eut une famine pendant trois années consécutives, et David vint consulter la face de Iahvé. Et Iahvé dit : « C’est la faute de Saül et de sa maison, la conséquence du meurtre que Saül commit sur les Gabaoaites. » Alors le roi fit appeler les Gabaonites et