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nant pour amener au commandement ou pour éloigner les généraux qui étaient dignes de servir la patrie et qui avaient des qualités pour la défendre. » À part la langue un peu baroque, voilà qui serait au mieux ! Qu’arrivait-il cependant à ce moment même ? Il y a un officier-général universellement signalé comme une des têtes supérieures de l’armée. M. le général de Miribel n’est point sans doute le seul officier de mérite ; mais il est depuis longtemps mis au premier rang dans l’armée et pour ses talens d’organisateur et pour les services qu’il a déjà rendus. M. Gambetta, qui avait quelquefois la hardiesse de se mettre au-dessus des passions de parti, n’avait pas craint de placer M. le général de Miribel à la tête de l’état-major de l’armée. Le ministère qui existe aujourd’hui a eu un moment, lui aussi, la velléité d’appeler M. de Miribel à cette position supérieure. La nomination semblait décidée. Malheureusement, ce nom a été à peine prononcé, qu’il a soulevé une tempête parmi les radicaux et les amis de M. le général Boulanger, qui a eu pourtant, comme ministre de la guerre, l’occasion de faire appel aux talens de M. de Miribel. Les radicaux ont crié et le ministère a reculé, — pour mieux prouver sans doute qu’aucun motif politique, comme l’a dit M. le président du conseil, ne décide du choix ou de l’éloignement des généraux. M. de Miribel n’a pas été nommé, pas plus que M. le duc d’Aumale n’a pu rentrer en France : tout est au mieux dans le monde radical que M. Floquet serait désespéré de contrarier ! M. le président du conseil, avec ses airs superbes, est homme de bonne composition quand il le faut : il livre les intérêts de l’armée à la première sommation, comme il livre, pour le plaisir des radicaux de Carcassonne, un magistrat coupable d’avoir mis en prison un maire condamné pour des fraudes électorales, comme il livre la constitution aux révisionnistes en se faisant lui-même révisionniste à son loisir. Et c’est ainsi que se forme et s’aggrave cette situation anarchique où il n’y a plus que des fictions de lois et de pouvoirs publics, où il ne reste, en réalité, qu’une certaine force de consistance du pays contre le désordre matériel, suite inévitable du désordre moral.

Que faire à cela ? Ce qu’il y a justement de curieux et de caractéristique, c’est que parmi les républicains, pour ne parler que d’eux, les plus modérés ou les moins engagés, ceux qui sentent le besoin de s’arrêter et de résister, semblent eux-mêmes ne pas trop savoir ce qu’ils auraient à faire, quelle attitude ils peuvent prendre. Ils se sont réunis récemment pour délibérer et se concerter. Ils ont préparé ensemble un manifeste en apparence des plus énergiques, où ils ont mis un semblant de programme : c’est le programme de « l’Association du centenaire de 1789. » Ces républicains se prononcent nettement contre toutes les révisions, contre la révision de M. Floquet, qu’on ne connaît pas, aussi bien que contre toutes les autres. Ils ne veulent se prêter ni à la suppression de la présidence de la république, qui laisserait « le pouvoir exécutif sans