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et les malins affectaient de le prendre pour une vacherie destinée à fournir aux amateurs et aux malades du fait pur, de provenance garantie.

Mais ce qui pouvait sembler beaucoup plus grave, c’est qu’on avait refusé aux membres du Landesausschuss le droit d’immunité ou d’inviolabilité parlementaire. Il arriva un jour qu’un secrétaire d’état, qui aimait à montrer les dents, menaça M. Kiener, de Munster, de le traduire en police correctionnelle pour avoir avancé devant une commission un fait dont il ne pouvait produire toutes les preuves juridiques. Des agens du service forestier proféraient les mêmes menaces contre les députés assez osés pour critiquer leurs actes. Un bourgeois qui, en 1880, adressait à un journal de Mulhouse des lettres fort piquantes, remarquait à ce propos « que des députés sont élus pour exercer leur liberté de parole pleine et entière, qu’ils ne doivent pas courir le risque de passer de la salle de contrôle des actes de l’administration sur le banc des accusés, devant le tribunal de police. » Mais en Alsace-Lorraine, les patriotes sont d’ordinaire aussi modérés que courageux, et des orateurs tels que le vaillant et pieux tribun de Mulhouse, M. Winterer, ou que le jeune représentant de Colmar, M. Grad, ont fait entendre plus d’une fois d’utiles vérités sans que la foudre tombât sur eux. Écartant les discussions irritantes et stériles, le parlement de Strasbourg s’est occupé d’affaires plus que de politique, il a su faire de bonnes finances, pourvoir aux grosses dépenses d’une administration plus coûteuse que celle de tout autre pays allemand, sans recourir aux emprunts proposés par le gouvernement, établir l’équilibre dans le budget, obtenir même des excédens de recettes, tout en consacrant des crédits considérables aux travaux publics et aux améliorations agricoles. Hélas ! quoique ce malheureux Landesausschuss n’ait jamais fait que de bonne besogne, il est fort maltraité aujourd’hui par la presse officieuse, qui a demandé sa mort. Depuis que le vent a sauté, depuis que la politique tracassière et compressive a remplacé la politique de ménagemens, les joies tristes d’une conscience sans reproche sont les seules que puissent se promettre les Alsaciens-Lorrains qui ont le goût des devoirs amers et qui, à leurs risques et périls, s’obstinent à s’occuper des affaires de leur pays.

Les députés se seraient consolés de n’être pas inviolables, si le Reichstag leur avait fait la grâce d’abolir l’article 10 de la loi du 30 décembre 1871, qui conférait au chef de l’administration du Reichsland un pouvoir dictatorial et tous les droits redoutables que possède un commandant militaire dans un pays soumis à l’état de siège. En vain alléguait-on qu’octroyer une charte et conserver la dictature est une contradiction, que donner et retenir ne vaut, que l’article 68 de la constitution de l’empire assurait à l’empereur la faculté de mettre, quand il lui plairait, le Reichsland en état de siège, qu’au surplus l’Alsace-Lorraine avait supporté ses malheurs avec une résignation