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perfidie, les y laisse enfermés au milieu des monceaux de diamans et de monnaie d’or frappée de caractères hébraïques. Cet épisode est le point culminant de l’émotion ; mais, qu’on se rassure, il y a quelque part un chemin souterrain, et nos aventuriers, trop heureux de sortir sains et saufs, regagnent finalement la libre Angleterre. Seul Quatermain, en sa qualité de trafiquant, s’est chargé, en cette conjoncture extrême, de cinq ou six pierres qui représentent une fortune.

Malgré ses enfantillages que l’on n’a pas le temps d’apercevoir, tant l’intérêt se soutient, en grandissant toujours, ce récit d’aventures est l’un des meilleurs que nous ayons lus. Malheureusement, l’auteur voulut donner une suite à son chef-d’œuvre. Or, chacun sait que les suites sont presque toujours des tentatives manquées. Allan Quatermain a le tort d’être en deux volumes, avec beaucoup de remplissage, et de nous faire toucher du doigt, en les répétant à satiété, les procédés assez vulgaires auxquels une fois nous nous étions laissé prendre. Tout d’abord, on n’est pas fâché de se retrouver en face du même trio de personnages, victorieux des maléfices de Gagool, et rentrés dans un home où ils s’ennuient. Le démon des voyages leur parle de nouveau à l’oreille ; ils retournent au pays des Cafres pour une expédition plus difficile encore. De l’île de Lamu au nord de Zanzibar, les explorateurs se rendent au mont Kenia et ensuite au mont Lakakisera, à la découverte d’une race blanche qui habite plus loin des territoires inconnus. Nous ne faisons aucune difficulté pour les accompagner jusqu’au dernier point navigable de la rivière Tana, où nous assistans à un combat inégal et d’autant plus intéressant entre les braves gens de la mission écossaise, chez lesquels on reçoit une hospitalité aussi cordiale que dans les vrais Highlands, et une bande nombreuse de Masai sanguinaires qui ont enlevé la petite-fille du clergyman ; mais là s’arrête notre plaisir. Nous n’aimons guère le voyage involontaire qui suit, sur la rivière souterraine où flamboie dans l’obscurité une colonne de feu à chapiteau en forme de rose. Ce Styx africain conduit les voyageurs en pleine féerie, au milieu des chimériques habitans du Zu-Vendi, gouvernés par deux reines jumelles, l’une blonde et belle comme le jour, l’autre brune et belle comme la nuit, sauvagesses de keepsake, qui deviennent toutes les deux amoureuses du brave capitaine Cartis, lequel, après maintes tribulations, finit par épouser celle qui ressemble le plus à une Anglaise, et par devenir roi de cette région du centre de l’Afrique, où il introduira la Bible et élèvera en gentleman un fils qui nous donnera peut-être un jour (il n’y a pas de raison pour que cela finisse) une suite à la suite des Mines de Salomon. Ce qui nous a