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ont pris le nom des grands sièges épiscopaux. A Moscou et à Kazan, ils se sont affublés du titre d’archevêques. L’archevêque de Moscou, feu Antoine, aurait voulu, m’a-t-on affirmé, s’émanciper entièrement de la métropole autrichienne et se faire reconnaître métropolite, sinon patriarche de toutes les Russies. La plupart de ces porte-mitres du schisme ont peu d’instruction. Plusieurs, tels que Savvatii, « l’archevêque » actuel de Moscou, sont d’anciens marchands sans connaissances théologiques. Les moins lettrés ont près d’eux des secrétaires qui souvent dirigent en réalité les affaires du diocèse. De même que leurs collègues orthodoxes, les évêques du schisme aiment à habiter des couvens ou skytes. Ils mènent une existence confortable, parfois luxueuse. Les vieux ritualistes de Moscou ont ainsi construit pour leur archevêque un véritable palais.

Les riches marchands starovères sont généreux pour leurs prélats ; en revanche, ils se montrent souvent impérieux et exigeans. Ils les tiennent par l’argent. Ils leur témoignent quelquefois si peu de respect que, pour s’affranchir de cette sorte de servitude dorée, un ou deux de ces évêques de la hiérarchie autrichienne ont quitté leur chaire et le schisme. Ces postes d’évêques n’en sont pas moins recherchés, car ils sont lucratifs. Les pasteurs sont choisis par leur troupeau, et le plus souvent les marchands, qui ont la haute main dans les affaires du schisme, portent leur choix sur des hommes qu’ils puissent tenir sous leur dépendance. Les querelles théologiques se compliquent des rivalités des nababs du raskol et des conflits d’intérêts ou d’amour-propre des coteries locales. Si les évêques ont parfois à se plaindre de leurs ouailles, celles-ci n’ont pas toujours à se louer de leurs pasteurs. Il en est qui se sont rendus suspects de simonie. « l’archevêque » de Moscou, Savvatii, a été ainsi accusé de ravaler le sacerdoce en conférant l’ordination à des hommes sans instruction ni moralité, qui ne voient dans le titre de prêtre qu’un moyen d’exploiter la foi de leurs coreligionnaires. En rompant avec l’église, les vieux-croyans n’ont pu entièrement échapper aux maux qu’ils reprochent au clergé officiel. Entre leurs popes et les popes de l’état, la différence n’est pas toujours au profit du schisme. Heureusement qu’à côté de ses prêtres et de ses évêques, la popovstchine a ses conseils spirituels, sorte de consistoires laïques composés d’anciens et de lettrés, de natchetchiki, qui tiennent le clergé en tutelle.

L’église, ou si l’on aime mieux l’état, devait profiter des discordes des vieux-ritualistes pour chercher à dissoudre le schisme et à ramener au giron de l’orthodoxie la fraction modérée des popovtsy. Alors que ses antiques adversaires se plaisaient à répudier un fanatisme suranné, on pouvait croire au saint-synode que, pour