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REVUE MUSICALE

Théâtre national de l’Opéra-Comique : le Roi d’Ys, opéra en 3 actes et 6 tableaux, paroles de M. Edouard Blau, musique de M. Edouard Lalo.

M. Lalo ! dira peut-être un lecteur au fond de sa province. M. Lalo ! un jeune, un nouveau ! Il paraît que voilà un heureux début et de précieuses promesses ! — Non pas. M. Lalo est un nouveau, au théâtre s’entend, mais ce n’est plus un jeune. — Alors, que faisait-il au temps chaud ? — Au temps chaud, il chantait, ne vous déplaise, et personne alors ne voulut entendre ses chants. Que dis-je, il chantait ? Il faisait danser. On lui demandait un ballet, au lieu de loi demander son opéra ; et M. Lalo prenait son mal en patience, sans le prendre en orgueil. — Par bonheur, un jour il est venu de Nantes un directeur de théâtre, qui, nommé dans des circonstances difficiles, n’a pas commandé, comme une paire de bottes ou une veste, la première pièce à représenter. Il a lu l’œuvre de M. Lalo, depuis longtemps écrite et de partout repoussée ; il l’a montée très vite et très bien ; il l’a jouée, et avec un immense succès. Quelle série de miracles ! On dit que M. Paravey a de la chance ; en vérité, il a encore plus de goût.

Prenez-y garde : le Roi d’Ys pourrait bien être ce que l’école française, depuis Carmen, a donné au théâtre de plus remarquable et de plus achevé. L’année avait été stérile ; mais la voilà fleurie ; elle n’aura point perdu son printemps. La partition de M. Lalo n’est pas honorable, elle est beaucoup plus : très charmante et très belle, presque toute charmante et toute belle, sans un trou, sans une tache. Il est honteux d’en faire gloire aussi tard au musicien qu’elle vient de placer au premier rang.