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Un désaccord aussi complet ne saurait toutefois se perpétuer indéfiniment. C’est une des raisons qui s’opposent à la prolongation souvent réclamée du terme présidentiel. La brièveté des fonctions et la fréquence des crises électorales ont des inconvéniens très graves. Mais les chances de conflits sont moindres, et les dissidences plus faciles à supporter pendant quatre ans que pendant un septennat par exemple, surtout s’il est renouvelé au profit du même personnage. La première année de la présidence américaine est une sorte de lune de miel ; la seconde et la troisième sont la vraie période d’activité ; la quatrième enfin ramène les élections, qui suppriment les différends de la veille, non sans préparer d’ailleurs ceux du lendemain.

Quoi qu’il en soit, les présidens des États-Unis ne se font pas faute d’exercer leur droit constitutionnel, aussi bien les présidons pacifiques ou peu populaires que les favoris du public et les hommes de combat, comme Jackson. Coup sur coup, à l’occasion d’une même mesure, John Tyler interjeta son veto contre la majorité parlementaire, soutenue par la presse et la nation tout ensemble. Et pourtant le vœu de ses concitoyens ne l’avait pas destiné au rang suprême. Simple vice-président, il n’était monté au fauteuil présidentiel que par suite de la mort du titulaire Harrison. En outre, le veto frappait des lois financières au sujet desquelles les assemblées se sont toujours montrées le plus jalouses de leurs privilèges. Les adversaires du président le combattirent avec ardeur. Un représentant s’écria que l’honneur de la chambre était en jeu. Un autre déclara que les Tudors eux-mêmes n’auraient pas eu tant d’audace. Tyler l’emporta néanmoins, et pendant les quatre années presque entières de son administration, il continua de tenir seul tous les pouvoirs en échec. C’était légal.

M. Hayes, dès son avènement, se trouva en présence d’une chambre hostile, et perdit bientôt le faible appoint des voix qui l’appuyaient au sénat. Les conflits ne pouvaient manquer d’éclater. Bills sur l’armée, sur les élections, sur les Chinois, furent rejetés par cinq vetos successifs dans une seule session (1878-1879), demeurée célèbre à ce titre. Loin de ressembler à l’homme fort (the strong man) rêvé par certains politiciens du temps, M. Hayes était animé d’idées conciliatrices qui s’annoncèrent aussitôt par la composition du ministère. Élu d’ailleurs à une seule voix de majorité, au moyen de fraudes inouïes, même en Amérique, il ne jouissait pas d’un grand prestige. Aucun motif ne l’empêcha de s’opposer à toutes les mesures qu’il désapprouvait. Depuis le commencement jusqu’au terme régulier de son mandat, le président républicain paralysa la volonté du congrès démocrate, et gouverna sans révolution ni secousses. Sa résistance constante aux actes législatifs ne