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Dans les relations avec les puissances étrangères, le président représente seul les États-Unis, en dehors des traités soumis à l’approbation sénatoriale ; il dirige la politique extérieure selon ses vues personnelles. Dès l’origine, Washington prit à l’égard de l’Angleterre une attitude vivement blâmée par la chambre des représentais et par une grande partie de la nation. Ni les attaques parlementaires, ni les protestations publiques ne firent dévier le président de la ligne de conduite qu’il s’était tracée tout d’abord. Le traité de 1795, dûment ratifié, devint la loi du pays.

D’autre part, comme le consentement du sénat n’est exigible que pour l’acceptation définitive des traités, le pouvoir exécutif reste toujours libre de suspendre les négociations en cours, ou même de rejeter une convention diplomatique déjà conclue. C’est ce que fit Jefferson en 1807. Lincoln ne consulta pas le congrès avant de rendre à l’Angleterre les commissaires des états sécessionnistes, saisis à bord du navire anglais Trent. De même, en vertu de sa propre initiative, sans aucun traité d’extradition, sans acte législatif ni arrêt judiciaire, il livra à l’Espagne un sujet espagnol qui s’était réfugié sur le territoire américain.

Plus nettement encore s’affirma la doctrine de l’indépendance présidentielle pendant l’expédition française au Mexique. La chambre des représentans du congrès fédéral avait voté une protestation solennelle contre l’établissement de l’empire à Mexico. Le gouvernement français demanda des explications. M. Seward répondit à M. Drouyn de Lhuys que les pouvoirs conférés au président des États-Unis étaient aussi illimités dans les affaires du dehors que dans celles de l’intérieur. Aucune motion parlementaire ne pouvait l’obliger à changer de politique ou lui retirer son indépendance d’action. La France n’avait donc pas à se préoccuper du vote signalé.

Si l’idéal des institutions libres est de posséder un gouvernement assez sensible pour suivre sans cesse l’impulsion des majorités représentatives, les exemples précédons suffisent à montrer combien la démocratie américaine le cède sur ce point à la monarchie britannique. Cette différence s’explique et se justifie par la composition respective des deux parlemens, qui correspond elle-même à un état social très différent jusqu’ici chez les deux peuples.

À la chambre des lords, héréditaire, comme chacun sait, siègent les puissans propriétaires du sol, les magistrats et les jurisconsultes de premier ordre, les principaux chefs des armées et de la flotte, les plus hauts dignitaires de l’église et de l’état. La chambre des communes, élective, mais à long terme, se compose encore aujourd’hui de députés souvent réélus, et choisis pour la plupart entre les hommes qui occupent une situation éminente par le rang,