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jour de vive voix un compte exact de sa gestion. Quand ce comité dirigeant a perdu la confiance de la majorité, un autre le remplace. C’est au moyen de ces délégations successivement tirées de son sein que le parlement d’Angleterre reste le pouvoir suprême du pays. La responsabilité ministérielle se trouve liée à la souveraineté parlementaire.

En Amérique, où les ministres sont exclus des assemblées, les fluctuations des majorités législatives n’entraînent aucun changement de ministère. Le pouvoir exécutif demeure fixé pour quatre ans. Le président, qui l’exerce en personne, n’est pas tenu de subir le contrôle quotidien de ses actes et de se plier, jusque dans les détails du gouvernement, aux exigences, parfois contradictoires, des représentai et des sénateurs. Il peut suivre sa ligne de conduite et l’imposer aux secrétaires d’état, ses agens, malgré la désapprobation de l’une ou de l’autre chambre et même des deux. Car la seule ressource légale contre lui, l’impeachment, est inefficace en cas de simples dissidences politiques. L’irresponsabilité du cabinet présidentiel implique la limitation de la puissance parlementaire, ainsi que l’indépendance et l’autorité discrétionnaires du premier magistrat de la république dans un domaine assez étendu. Commandant en chef de l’armée et de la marine, le président a de plus la haute main sur les 100,000 fonctionnaires fédéraux, sur les ambassadeurs et les consuls. Son initiative trouve ample matière à se déployer.

Washington adressa, en 1793, une proclamation au peuple des États-Unis pour interdire à tous les citoyens de prendre une part quelconque aux hostilités existant alors entre la France et l’Angleterre, et de commettre aucun acte contraire à la stricte neutralité. Ce droit de parler directement à la nation et de lui prescrire des règles excède assurément les bornes des attributions royales dans les monarchies constitutionnelles.

Lorsqu’en 1812 ils furent eux-mêmes aux prises avec la Grande-Bretagne, les Américains, n’ayant que 17 navires contre 700, résolurent de mettre leur petite flotte à l’abri sous les canons des forts maritimes. Mais le président Madison adopta bientôt un autre plan, que lui conseillaient deux officiers d’expérience. En vertu de ses pouvoirs militaires, sans consulter le congrès, il ordonna de lancer immédiatement comme croiseurs tous les navires capables de tenir la haute mer.

En septembre 1833, Jackson, agissant de sa propre autorité, fait défendre aux agens du fisc de déposer désormais les deniers publics à la Banque nationale des États-Unis. Quelques mois auparavant, la chambre avait voté une motion qui invitait le gouvernement à effectuer ces dépôts selon le vœu de la loi.