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Prince assurait le cardinal « de son amitié, promettant d’entretenir une parfaite intelligence avec luy et de le servir dans tous les intérests de Testât et les siens particuliers envers tous et contre tous. — Louis DE BOURBON[1]. »

Le cardinal a dévoré l’affront ; sa vengeance n’est pas prête ; il s’en tire par une manœuvre, obtient de la Reine un commentaire qui met sa conscience à l’aise, et compte bien ne renoncer ni aux nominations, ni au mariage Mercœur, ni à l’amirauté ; mais il tient une signature qui conserve toute sa valeur. En montrant les quelques lignes que nous venons de transcrire, il va dissoudre le groupe, chaque jour plus nombreux, qui avait les yeux sur Condé ; les défections deviennent faciles ; les frondeurs vont marcher tous ensemble contre « le perfide » qui a promis son amitié au Mazarin, et le prétexte est tout trouvé pour conclure l’accord avec Retz.

Autre faute ! La reine offensée comme son ministre ! l’incident de Jarzé.

Par un coup de fortune inespéré, cet écervelé était devenu capitaine des gardes ; mais la chance tourna vite : son bâton lui fut redemandé. Il se vanta d’avoir fait poser les armes à La Boulaye dans le Maine, et ce spadassin le désarma dans la forêt de Compiègne. Il prétendait avoir fait quitter le pavé au duc de Beaufort, et celui-ci lui ayant jeté tout un souper à la figure en plein a jardin Renard, » Jarzé se laissa calmer un peu facilement, malgré Boutteville, qui était de la partie et voulait que le sang coulât[2]. De leur côté, les princes qui avaient joué les premiers rôles dans l’algarade, le duc de Beaufort d’un côté, le duc de Candale de l’autre, ne se montrèrent guère plus chatouilleux sur le point d’honneur : celui-ci prétendant ne pouvoir se battre hors Paris sans être arrêté par ordre du cardinal ; celui-là se disant sûr d’être écharpé par le peuple s’il tirait l’épée contre son cousin dans Paris. Donc nulle réparation d’une telle offense. La piteuse issue de cette querelle ne rabattit pas l’outrecuidance de Jarzé. Cornette des chevau-légers de la garde, il continua de se présenter chez la Reine, d’y prendre le ton badin et familier. Tout d’un coup il fut chassé avec mépris ; on l’accusait de s’être vanté d’une royale bienveillance et de prétentions qui n’auraient pas reçu un trop mauvais accueil. M. le Prince, qui le protégeait, l’ayant vu brave à la guerre[3], refusa de croire à tant d’extravagance, prit vivement parti, emmena son client à Saint-Maur, et fit supplier Sa Majesté de recevoir un serviteur

  1. 2 octobre. Original autographe. A. C.
  2. Boutteville (le futur maréchal de Luxembourg) à M. le Prince. A. C.
  3. Voir liv. IV, chap. IX.