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troupes dans le devoir, assurait l’autorité royale en Bourgogne, la rétablissait en Provence, assistait le Roi de ses deniers, les généraux et le cardinal de ses conseils, celui-ci se liait aux mortels ennemis de ce fidèle serviteur de l’État, aux plus infatigables perturbateurs du repos public. Avec la main de sa nièce, Laure Mancini, acceptée par le duc de Mercœur, voici le cadeau de noces que Mazarin comptait offrir aux Vendôme : « La proposition de donner à M. de Beaufort la survivance de l’amirauté et la Catalogne à M. de Mercœur me paraît fort belle ; la Reine l’aura fort goûtée[1]. »

Les fiançailles devaient se faire le 19 septembre au matin, et les « espousailles » le soir. Le 14, Mazarin, rencontrant Condé au Palais-Royal, lui demanda de signer au contrat. M. le Prince s’excusa sur ce qu’il n’était pas parent ; mais, ajouta-t-il, « j’ai, de mon côté, diverses demandes à présenter, d’abord et surtout le Pont-de-l’Arche promis à M. de Longueville. » — Sage ou non, c’était une des conditions de la paix de Rueil. — « Ce sont de ces engagemens que l’on prend avec l’intention de ne pas les tenir, » répliqua le cardinal en riant. Déjà fort mal disposé, M. le Prince éclate sur cette réponse, parle avec la dernière violence et sort en lançant un de ces traits qui restent enfoncés dans la blessure : « Adieu, Mars ! »

Que signifie cette injure, si ce n’est un cri de guerre ? « Mon fils appréhende que les affaires ne s’aigrissent, » écrivait aussitôt la princesse douairière, et elle rappelait Nesmond pour avoir auprès d’elle ce fidèle conseiller pendant la crise[2]. Aux armées, on se comptait, et le nombre n’était pas en faveur des amis de « l’homme aux glands[3]. » Retz, toute la Fronde, se jetait dans les bras de Condé ; mais celui-ci s’en tient à son dire : « Je suis d’une naissance à laquelle la conduite des Balafrés ne convient pas, » et il laisse « accommoder son affaire. »

Non, quoi qu’on ait pu dire, « il n’avait pas de penchant à la guerre civile[4]. »

Trois jours après la bourrasque, le Pont-de-l’Arche était donné à Longueville, l’amirauté reprise par la Reine, le mariage Mercœur abandonné ; un souper lugubre cimentait cette paix mal bâtie, et Mazarin, dans une très humble déclaration (2 octobre), abandonnait à Condé tout ce qu’on appellerait aujourd’hui le personnel, la nomination à toutes les charges et aux bénéfices. Par réciprocité, M. le

  1. Mazarin à Le Tellier, 25 juillet.
  2. Mme la Princesse douairière au président de Nesmond, 16, 17 septembre. A. C.
  3. Un des sobriquets donnés à Mazarin. C’est ainsi que le médecin Bourdelot le désigne en racontant cet épisode à Girard. A. C.
  4. Motteville.