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les places dont il avait le gouvernement. Des avis analogues furent expédiés de tous côtés à ses amis, et renouvelés en termes formels après le départ de ses frères et beau-frère, afin de prémunir les lieutenans-de-roi contre tout ordre émané de ces princes[1].

Sous la main il avait peu de monde. Ses régimens, appelés en toute hâte de leurs quartiers d’hiver, arrivaient de Bourgogne, retardés par mille difficultés de logement, d’armement. Le 18 janvier, la tête de colonne n’avait pas dépassé Auxerre[2]. Les places à peine garnies, l’armée de Flandre ne put fournir que six à sept mille hommes qui commençaient à rejoindre ; la cavalerie de d’Erlach marchait encore. Certaines dispositions étaient dictées par la présence du Roi à Saint-Germain ; là devait être le quartier-général et le gros. Des troupes étaient placées sur les hauteurs de Montretout et de Meudon, avec un détachement à Bourg-la-Reine et une forte garde au pont de Saint-Cloud. Sur la rive droite, à Saint-Denis et Vincennes, de simples garnisons qui se renforcent chaque jour. Afin de ménager les habitans et de maintenir la discipline, les troupes furent mises sous la toile ; mais la rigueur de la saison, l’alternative du froid et des inondations, les nécessités du service, des détachemens, des colonnes mobiles, firent abandonner cette précaution ; la licence fut extrême.

Avec le concours d’une cavalerie vigilante, active, connaissant son métier, la distribution que nous venons d’indiquer fermait les routes de l’ouest, du nord et de l’est, arrêtait les charrettes de Gonesse, le grand atelier de boulangerie. Étampes interceptait la route d’Orléans, Corbeil celle de Fontainebleau ; mais c’était une occupation lointaine, et les faibles garnisons de ces petites villes ne pouvaient sortir. Les arrivages de la Beauce et de la Brie, de la haute Seine et de la Marne, se firent d’abord assez facilement ; puis, quand la cavalerie royale fut plus nombreuse, étendit ses cantonnemens, ses patrouilles, le roulage devint difficile, sans être jamais complètement interrompu. Enfin, les paysans circulaient, portant leurs hottes chargées de denrées, avec la complicité plus ou moins latente des soldats du Roi.

Il s’écoula assez de temps avant que Paris ne ressentit les premiers effets sérieux du blocus ; cependant le départ du Roi avait

  1. M. le Prince à Grasset, son lieutenant à la grosse tour de Bourges (5 et 11 janvier) ; à Girard, à Dijon, 20 janvier. — Marquis de Tavannes, Marnay (Dijon) ; la Trémoille (Thouars) ; Lesdiguières (Grenoble) ; duc de Retz (Machecoul) ; cours, évêques, échevins, etc., à M. le Prince. A. C.
  2. Montrevel à M. le Prince, Bourg, 12 janvier. — Baas à M. le Prince, Auxerre, 18. A. C.