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conclu enfin, la guerre faillit recommencer, cette fois entre les princes.

Avec un beau visage, de l’esprit, du savoir, Armand de Bourbon, prince de Conti, n’avait ni l’audace ni le génie de son frère, mais toute sa violence, peut-être plus d’ambition, et le fonds d’envie qu’on retrouve souvent chez les disgraciés de la fortune ou de la nature : sa taille contrefaite, la délicatesse de sa santé semblaient lui fermer la carrière des armes ; comment d’ailleurs aurait-il pu espérer d’y égaler son frère ? Dès son berceau, préparé pour l’église, le chapeau rouge lui convenait mieux que la plume blanche du général en chef. Cependant il se montrait incertain, partagé entre son aversion pour l’état ecclésiastique et une ambition qui ne pouvait trouver d’autre manteau que la pourpre romaine. Toute sa vie, tous ses actes étaient alors réglés par sa sœur : Mme de Longueville, déjà dominée par Marsillac (La Rochefoucauld), avait perdu l’empire qu’elle exerçait jadis sur son frère aîné et qu’elle reprendra un jour ; le plus jeune ne voyait, ne pensait que par elle. Est-ce à cette toute-puissante influence qu’il faut attribuer le parti pris soudainement par le prince de Conti ? Mme la Princesse douairière, qui, au mois de mai, déclarait que son fils Armand « n’était pas en disposition de se résoudre, » vint, à la fin d’octobre, annoncer à la Reine qu’il était « résolu de vouloir être cardinal, et supplia Sa Majesté de l’assister en cour de Rome[1]. »

Or, depuis longtemps, toutes les démarches, les évolutions du duc d’Orléans, avaient pour but principal d’assurer le chapeau à ce médiocre favori que nous connaissons déjà, l’abbé de La Rivière. Les Condé, venant ainsi se jeter à la traverse, ruinaient les prétentions de ce candidat, qui se croyait déjà assuré du succès. Gaston fulmina. Les Vendôme, les Importans, hommes et femmes, se précipitèrent au Luxembourg ; on put croire un moment que la « fronde des princes » allait commencer ; mais l’heure n’était pas venue. On trouva ce biais de procurer la pourpre au prince de Conti par la nomination de Pologne, et de rendre celle de France à l’abbé de La Rivière, Condé se chargeant de tout régler avec son amie, la reine Louise-Marie. Le courroux de Gaston tomba comme par enchantement, et toute la cabale dut, pour un temps, rentrer dans l’ombre, sans désarmer pourtant et guettant l’occasion.

Paris était agité ; la haine contre « le Mazarin, » plus ardente que jamais, se traduisait, tantôt dans les rues par quelque émeute, tantôt au Palais par de violentes déclamations ; on accusait le ministre de vouloir éluder les engagemens de Saint-Germain ; les cours

  1. A. C.