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pesante. Il commençait à tourner ses regards vers le continent, à chercher d’autres alliances. Il voulait entrer dans la famille des rois, il s’étudiait à gagner les cours, et c’est là qu’il rencontrait l’oracle de la politique européenne, M. de Metternich. Le roi n’avait pas tardé à avoir ses intelligences secrètes à Vienne. Il avait pris pour premier confident le comte Apponyi, et par lui il suivait une conversation familière, presque continue, sur toute chose, avec le chancelier. C’est l’origine de ces relations demeurées longtemps mystérieuses, même pour les ministres et pour l’ambassadeur de France à Vienne.

De son côté, M. de Metternich s’était prêté volontiers à cette diplomatie intime. Il avait connu Louis-Philippe autrefois dans l’émigration ; il l’avait revu sous la restauration, en 1825, au Palais-Royal. Il le retrouvait chef couronné d’une révolution pour laquelle il n’avait que défiance, qu’il considérait toujours comme le grand trouble-fête en Europe, mais qu’il était intéressé à surveiller. Le chancelier n’avait eu aucune peine à démêler le caractère, la politique, l’action personnelle d’un prince qui, dans une position embarrassée, montrait, avec la volonté de régner, un esprit aussi prévoyant que ferme, un attachement profond pour la paix et une expérience supérieure des affaires diplomatiques. Il n’avait vu qu’avantage à entrer dans ces relations secrètes. « Les explications confidentielles dans lesquelles le roi Louis-Philippe me permet d’entrer avec lui, disait-il, la facilité que ce prince met à nous rendre compte de sa propre pensée, offrent, dans une situation difficile, de grands avantages à ce que je qualifie, sans hésitation, de cause générale et commune… » Il n’aimait pas la révolution de Juillet, il -s’intéressait au prince, et il écrivait un autre jour : « Le roi Louis-Philippe a positivement une haute intelligence, et il en a certes besoin pour suffire à la charge qui pèse sur lui, il a acquis bien de l’expérience sur un champ qui non-seulement n’avait pas été le sien, mais qu’il avait attaqué, tandis qu’aujourd’hui il doit le défendre… » Le chancelier avait promptement saisi un des faibles du souverain français, le goût des conversations. « Louis-Philippe est causeur, disait-il ; il faudrait lui envoyer un sourd-muet pour empêcher qu’on lui répondît. « Il en profitait. Par M. Apponyi, par le prince Esterhazy, ambassadeur d’Autriche à Londres, par M. de Chabot, que le roi lui envoyait à un certain moment, il transmettait ses impressions, ses opinions et même ses conseils. Ce n’était pourtant pas si secret que le ministre de Sardaigne à Vienne, le comte Pralormo, ne pût écrire à sa cour dès 1834 : a Le chancelier d’état a pris envers Louis-Philippe le rôle de pédagogue et de mentor politique. Il lui prodigue les conseils, les exhortations, les admonitions, le tout mêlé de quelques flagorneries sur la haute capacité