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dans les détails, et où chacun portait ses préoccupations : — M. de Metternich son goût des démonstrations et des grandes combinaisons, l’empereur Nicolas sa violente inimitié contre la France de 1830 et contre le roi Louis-Philippe, la Prusse ses arrière-pensées de prudence méticuleuse ? Ce n’est pas sans peine, ce n’est pas sans bien des négociations et des difficultés intimes, à dire vrai, qu’on finissait par s’entendre. L’Autriche, la Russie et la Prusse, par une sorte de traité, opposaient d’un commun accord au principe français de la non-intervention le droit pour les souverains de recourir à de plus puissans qu’eux s’ils en avaient besoin. Les trois puissances, de plus, s’engageaient à se soutenir mutuellement si l’une d’elles veinait à être attaquée à la suite d’une intervention réclamée par le prince légitime. Enfin l’accord des trois cabinets devait être notifié à la France.

Munchengrætz complété deux ans plus tard par une autre entrevue des souverains à Teplitz, c’est le rêve de M. de Metternich réalisé, c’est « l’union des trois cours, » ou ce qui depuis s’est longtemps appelé « l’alliance du Nord ! » Le chancelier s’était évidemment flatté d’en imposer par l’acte d’ostentation de Munchengrætz ; il avait compté, comme il le disait avec une complaisante fatuité, que M. de Broglie, alors ministre des affaires étrangères de France, ne saurait que répondre, qu’il n’aurait à opposer aux communications des trois cours « autre chose qu’un auguste silence, le silence que la doctrine commande aux adeptes quand ils ne savent que dire… » Il s’était trompé dans ses prévisions : le duc de Broglie relevait, avec mesure vis-à-vis de la Prusse, avec un froid dédain pour la Russie, avec une hautaine raideur à l’égard de l’Autriche, une manifestation gratuite d’hostilité qui ne répondait plus à rien, qui se produisait à un moment où toutes les questions irritantes semblaient assoupies. Le fait est que, pour une résurrection ou une simulation de sainte-alliance, c’était médiocre, et que le chancelier, à demi déconcerté d’avoir si peu réussi, n’avait d’autre moyen de se venger que de se débattre dans de vaines subtilités, ou de prétendre que M. de Broglie « faisait de la politique bien pitoyable. »

Le résultat n’était rien dans l’entrevue de Munchengrætz comme dans l’entrevue de Teplitz, qui devait venir plus tard, mais il y avait l’apparence, l’ostentation, que le chancelier ne dédaignait pas. Par cette rencontre patiemment préparée, entre des souverains qui ne s’étaient pas vus depuis dix ans, M. de Metternich semblait renouer la chaîne des réunions d’autrefois, de Troppau ou de Laybach. Il retrouvait une de ces occasions où il apparaissait comme un arbitre recherché des princes qui lui demandaient conseil, au milieu d’une