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lui montrait le bonapartisme partout, — faisant cause commune avec les révolutionnaires italiens, briguant le trône de Belgique par la candidature du duc de Leuchtemberg. Il insinuait adroitement qu’on « devrait lui savoir gré de sa conduite correcte à l’égard de Napoléon II, » que s’il plaisait au roi des Français de « jouer le rôle de conquérant ou de chef de la propagande révolutionnaire, » l’Autriche pourrait se défendre. « Attaqués dans nos derniers retranchemens, disait-il, nous ne sommes pas assez anges pour ne pas faire feu de toutes nos batteries. » Et peu après, au moment où s’éteignait celui qu’il appelait Napoléon II, le duc de Reichstadt, il écrivait à son ambassadeur ces mots singuliers qui, dix-huit ans plus tard, devaient être une réalité : « Je vous prie de rendre le roi Louis-Philippe attentif au personnage qui succédera au duc de Reichstadt… Le jeune Louis Bonaparte est un homme engagé dans les trames des sectes. Il n’est pas placé, comme le duc de Reichstadt, sous la sauvegarde des principes de l’empereur. Le jour du décès du duc, il se regardera comme appelé à la tête de la république française. »

Entre l’habile homme qui se croyait plus que jamais le dernier champion de la paix européenne, de l’ordre universel, et un gouvernement nouveau qui travaillait courageusement à se dégager des solidarités révolutionnaires sans abaisser son drapeau, sans désavouer son principe, c’était, pendant plus de deux années, une lutte des plus vives, mêlée de négociations, de chocs intimes, de rapprochemens et même parfois de scènes piquantes. Le résultat avait été en définitive pour l’Europe de passer à travers toutes ces affaires belges, polonaises, italiennes, en évitant hi guerre, qu’on ne désirait ni à Vienne ni à Paris.

Qu’est-ce que M. de Metternich dans cette première période du lendemain de 1830 ? C’est un politique expérimenté et délié, tenant tête à l’orage sans rien pousser à l’extrême, mesurant sa diplomatie aux circonstances, cédant à la nécessité avec mille réserves, et poursuivant à travers tout l’idée de renouer quelques-uns des fils des anciennes coalitions, de refaire au centre de l’Europe une force de résistance contre-révolutionnaire par ce qu’il appelle « l’union des trois cours. » C’était son rêve, son idée fixe depuis juillet ! Il avait vainement multiplié ses tentatives en pleine crise. Il croyait sans doute avoir touché enfin le but, le jour où il réussissait en pleine paix, vers l’été de 1833, à préparer une de ces réunions de souverains où se plaisait sa diplomatie. Jusqu’au dernier moment, le secret avait été gardé, surtout à l’égard de la France. Les souverains d’Autriche, de Russie et de Prusse devaient se rencontrer dans une obscure et assez maussade petite ville de Bohème, à Munchengrætz. Quel était l’objet de cette réunion, qui ne laissait pas d’être contrariée