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vague, qui restait par le fait dénué de sanction et d’efficacité. On ne s’était entendu ni sur un système d’action, ni même sur une manière commune de reconnaître le nouveau gouvernement français. M. de Metternich s’en plaignait vivement dans le secret de ses correspondances : il se sentait isolé !

Réduit à ses propres ressources, entre la révolution victorieuse à Paris et des alliances détruites ou mal assurées, le chancelier procédait en tacticien habile à masquer son isolement, à maintenir sa position, s’engageant peu dans l’affaire belge ou dans l’affaire polonaise, concentrant ses efforts en Italie, où il se sentait menacé par les insurrections. Il n’avait pas tardé à démêler que la France de juillet, même quand elle se livrait aux plus bruyantes démonstrations, même quand elle tentait le coup de main d’Ancone, avait le désir et la volonté sincère de la paix, que le nouveau roi surtout ne voulait pas la guerre : il ne la voulait pas non plus ! C’était un premier point fixe dans le tourbillon des démêlés du jour. Le reste était l’affaire d’une diplomatie ingénieuse à passer à travers les complications, alliant la fermeté à la souplesse. Le chancelier, qui en avait vu bien d’autres depuis vingt-cinq ans, jouait un jeu serré.

Tantôt, quand tout s’aggravait en Italie, quand, à l’entrée des Autrichiens dans les légations, la France répondait par le principe de non-intervention ou par une intervention contraire, il prenait un accent de résolution. Il déclarait qu’il ne reconnaîtrait jamais le principe meurtrier qu’on lui opposait, que si on prétendait l’intimider par des menaces, on se trompait. « L’empereur, écrivait-il à son représentant à Paris, au comte Apponyi, ne consulte pas un sentiment pareil. Il ne veut pas la guerre, mais il l’acceptera, si les moyens de l’éviter sont épuisés. Ce que jamais il n’acceptera, c’est l’anarchie en Italie. Celle-ci pourra s’y établir sur les ruines de la puissance autrichienne, jamais du plein gré de notre auguste maître. » Dans ses entretiens avec l’ambassadeur de France à Vienne, le maréchal Maison, qu’il avait facilement séduit, il ne cessait de répéter que, « péril pour péril, il préférait un champ de bataille à une révolution. » — « Si l’intervention de l’Autriche en Italie doit amener la guerre, disait-il d’un ton de défi, Eh bien ! vienne la guerre. Nous aimons mieux en courir les chances que d’être exposés à périr au milieu des émeutes. » — Tantôt, dès qu’il avait vu surtout Casimir Perier s’élancer au pouvoir avec le feu d’un athlète résolu à combattre la révolution, M. de Metternich modérait son ton. Il sentait le prix d’un tel homme et la force de sa politique. Il ménageait le gouvernement français ; il le stimulait aussi, employant tour à tour les caresses ou l’aiguillon, s’étudiant au besoin à inquiéter le sentiment dynastique du roi Louis-Philippe. Il