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et être versées après cela dans le trésor public, 2,033,000 livres d’argent. Les armes enlevées aux vaincus étaient magnifiques, et Tite-Live raconte que leurs boucliers dorés furent suspendus aux boutiques des changeurs et banquiers du forum en guise d’ornemens triomphaux. Vers la même date, un autre consul, vainqueur des Étrusques, rapportait aussi 380,000 livres de bronze. Mais ce furent bien d’autres sommes, celles que valurent aux Romains la conquête de la grande Grèce, la lutte contre Carthage, les tributs qu’on lui imposa, et ceux que subirent bientôt après la Corse, la Sardaigne, la Cisalpine et l’Illyrie. Tarente avait grandi par l’industrie et par le commerce. Elle achetait aux peuples italiques, aux Sabins et aux Samnites, la laine de leurs troupeaux ; elle se chargeait de la fabrication et de la teinture des draps, qu’elle exportait ensuite avec le sel, le poisson et les objets manufacturés. La prospérité l’avait conduite à l’extrême richesse, et l’invasion du luxe grec ou oriental la livrait d’avance à un vainqueur. Quand Pyrrhus vint pour la défendre, il fit en vain fermer les bains et les théâtres : Tarente était devenue un lieu de plaisir. On sait quelle existence douce et molle, grâce aux restes survivans d’une antique splendeur, la Syracuse du temps de Hiéron II et de Théocrite offrait encore. Cette colonie grecque, avec sa population de 600,000 âmes, était presque aussi riche que Carthage. Quant à Carthage elle-même, la corruption y était née de l’antique civilisation phénicienne et d’une richesse héréditaire. Rome tira d’elle un énorme butin, environ 25 millions de nos francs, qui, rien qu’en dix années, vers la fin de la première guerre punique, vinrent grossir son trésor.

Rome, jusqu’à la conquête de la grande Grèce, n’eut pour monnaie que l’as de cuivre avec alliage. En 269, quelques années seulement avant l’ouverture de la lutte contre Carthage, elle fabriqua le premier denier d’argent. Mais tout aussitôt ce métal abonda, et, par conséquent, s’avilit. La monnaie de bronze, au même temps, s’abaissait par des tailles successives, que les historiens de la numismatique savent dater une à une. D’autre part, si l’on recueille avec soin les indications éparses chez les auteurs anciens sur la valeur vénale des denrées, sur les taux des amendes, sur les, ventes d’animaux ou d’esclaves, etc., on arrive à conclure avec l’historien des chevaliers qu’une augmentation générale des prix s’est produite dans la période qui comprend la première lutte contre Carthage, c’est-à-dire la première moitié du IIIe siècle. Il semble de plus que cette augmentation peut être évaluée suivant une proportion facile à calculer. Par exemple, le cheval payé par l’état au cavalier ou chevalier vaut 1,000 as anciens (de douze onces) avant les guerres puniques, mais 10,000 as nouveaux (de deux onces) au temps