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inveteratis litteris atque docirinis… œtas Jam exculta. Et Cicéron parle bien de la ville de Rome, non pas des populations qui l’entourent, puisqu’il loue Romulus, le roi fondateur, d’avoir conduit presque jusqu’à la virilité ce même peuple créé par lui. C’est qu’en effet la ville nouvelle avait reçu tous les élémens des cultures italique, grecque, étrusque, sans avoir abdiqué pour cela son caractère inné. Quel moment historique que cette période de deux siècles et demi que représente l’époque royale ! L’Orient est puissant encore, au moins par la civilisation et les arts. Ninive va disparaître, au milieu de quel éclat, les sculptures de Khorsabad, au Musée du Louvre, en témoignent. Le monde grec s’organise. Les temps d’Homère et d’Hésiode sont déjà loin, mais dominent encore la pensée hellénique. Lycurgue a réformé Sparte depuis un siècle ; Athènes ordonne sa constitution, que Solon va achever ; l’ère des Olympiades vient de commencer, et la chronologie se fixe. L’Egypte s’ouvre aux Grecs. Par eux et par les Phéniciens, auxquels Carthage succède, les civilisations se mêlent jusque dans le centre de la Méditerranée. L’art, qui touche à la maturité, presque à la vieillesse, dans l’antique Orient, commence à se développer dans la Grèce continentale : les plus anciennes statues dignes de ce nom retrouvées par M. HomoIle dans les fouilles de Délos peuvent être contemporaines de la fondation de Rome. Du même temps est l’essor de la colonisation grecque en Sicile et en grande Grèce : l’art grec, la civilisation grecque, les légendes homériques, ont pénétré à travers l’Italie centrale et toute l’Étrurie, qui en sont comme imprégnées. — Rome n’est restée fermée à aucun de ces élémens. Aux peuples italique et étrusque elle a emprunté la distinction entre patrons et cliens, celle entre le patriciat et la plèbe, la langue, la religion, les magistratures. Elle a puisé à pleines mains dans le fonds grec : légendes, traditions, lois, tout lui a été bon. Rien n’empêche de croire à la mission de trois députés chargés par elle d’aller étudier la législation athénienne, ou bien à celle d’Hermodore, cet Éphésien exilé, qui aurait assisté les décemvirs dans la rédaction des Douze tables. Il n’en est pas moins assuré que le code décemviral enregistre le droit coutumier spécial aux Romains, et non pas celui des Grecs. Parle droit en particulier, malgré des emprunts, Rome a fait triompher son originalité puissante.

Elle n’avait encore qu’un bien faible domaine, elle continuait de lutter péniblement contre les peuples montagnards qui occupaient le centre de la péninsule et empêchaient son essor, quand tout à coup d’heureux combats ouvrirent pour elle l’ère de la conquête et lui valurent ses premières richesses. De la guerre du Samnium un consul vainqueur rapporta, en 293, pour orner son triomphe