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batailles, » et celui qui restait trouvait moyen de profiter, lui aussi, de la conquête lointaine. Comme nos Normands du moyen âge, ce peuple a voulu et a su gaigner.


I

Le point de départ de notre étude ne saurait être que le moment où, par un effet des premières conquêtes, les métaux précieux ont commencé d’affluer dans Rome. Ç’a été le signal d’une révolution multiple qui mérite l’attention de l’historien.

Qu’arrive-t-il si, chez un peuple laborieux et actif, la masse monétaire demeure la même ou n’augmente qu’insensiblement ? Comme la population et la production y tendent à s’accroître, la valeur du numéraire tend à y augmenter aussi, par suite de la concurrence que les producteurs se font entre eux pour en obtenir chacun une part. Mais les rôles se renversent instantanément dans le cas d’un afflux subit du métal précieux. La quantité des choses nécessaires ou utiles à la vie n’y pouvant augmenter d’une façon notable tout à coup, le pouvoir d’échange de la monnaie décroît, puisqu’il en faut donner plus pour obtenir la même quantité de produits. Si les choses en restaient là, entre la diminution de valeur de la monnaie et renchérissement général, la compensation et l’équilibre s’établiraient, et l’apparence du gain serait vaine ; mais le producteur, qui a reçu un prix inusité, est stimulé à produire davantage ; on met en valeur une plus grande superficie du sol. Le pays qui a reçu l’affluence du métal peut acquérir avantageusement des pays moins favorisés, soit les produits naturels, soit les matières premières, qu’il mettra en œuvre, et qui lui seront un objet de nouveaux échangés. Il y a bientôt un plus grand nombre de particuliers employés à une activité rémunératrice ; les fortunes privées se multiplient. D’autre part, les métaux précieux sont par eux-mêmes une richesse ; s’ils sont plus abondans, c’est une source de prospérité et une force pour l’état ; le revenu public s’accroît et met au service de la communauté de plus puissans moyens d’action. Il faut seulement, il faut de toute nécessité que la production et le travail répondent à l’excitation offerte ; sinon, l’or et l’argent ne font que passer, il n’y a pas eu enrichissement réel, — ce qui revient à dire que la vraie richesse est dans le travail de l’homme.

Ces lois économiques se sont clairement imposées à l’Europe occidentale pendant le XVIe siècle, après que les mines du Pérou et du Mexique eurent versé des milliards sur l’ancien continent. La puissance de la monnaie s’abaissa et le prix des denrées s’accrut en